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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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trop embarrassée pour
répondre. Et je repris le chemin de la maison, la tête en feu, le cœur en tumulte.
    Lorsque je suis rentrée, ma mère a dit :
    — Oh, la belle rose ! D’où vient-elle ?
    J’ai répondu, en baissant les yeux, volontairement évasive :
    — Du jardin de Juliette.
    Je n’ai pas donné de détails. Je n’ai pas, non plus, parlé à
ma mère d’Henri. Je savais qu’elle me raisonnerait, et je ne le voulais pas. Je
voulais rêver à mon amour en toute liberté, sans aucune entrave.
    J’ai mis la rose dans un vase, que j’ai posé sur ma table de
nuit. Et je me suis endormie, ce soir-là, le cœur plein de l’image d’Henri. Je
sentais se lever en moi un immense espoir, en même temps qu’un exaltant bonheur
auquel je n’osais croire tout à fait.
     
    Un après-midi, j’étais, dans le jardin, occupée à désherber.
Ma mère et moi l’entretenions de notre mieux depuis que mon père n’était plus
là pour s’en occuper. Je travaillais sans arrêter, et j’y étais depuis
peut-être une heure lorsque j’entendis la voix de Charles qui m’appelait, de
son jardin :
    — Madeleine ! Que fais-tu ?
    Je levai la tête, repoussai une mèche de cheveux qui retombait
sur mon front en sueur :
    — J’enlève les mauvaises herbes, dans les
carottes.
    — J’ai fini mon travail, je viens t’aider. Je
vais « remonter » tes pommes de terre.
    Il prit un outil dans l’appentis, enjamba le muret de
séparation, et vint me rejoindre.
    Nous avons travaillé un bon bout de temps, sans échanger
aucune parole, attentifs seulement à mener à bien notre tâche. Sa présence
silencieuse, près de moi, me donnait du courage. Je le reconnaissais bien là, mon
ami Charles, toujours prêt à rendre service, à m’épargner de la peine. Parfois,
le chant d’une alouette nous accompagnait. J’interrompais alors mon travail un
instant pour la suivre des yeux, tandis qu’elle montait verticalement dans le
ciel, toujours en chantant, jusqu’à devenir un minuscule point noir que je
finissais par perdre de vue.
    Ma besogne terminée, je suis allée m’asseoir sur le muret
tout chaud de soleil. J’ai regardé Charles remonter la terre. Je l’admirais d’avoir
encore tant d’énergie à dépenser après une journée passée à abattre le charbon.
Comme s’il avait deviné mes pensées, il se tourna vers moi et sourit :
    — C’est agréable, après huit heures de poussière
et d’obscurité, de travailler au soleil et de pouvoir respirer l’air pur. Tu ne
peux pas savoir comme ça me fait du bien. Je me sens revivre !
    Il termina son rang, puis vint s’asseoir près de moi. Avec
la fatigue physique nous venaient un alanguissement, une douceur, une
satisfaction de rester là, le dos chauffé par le soleil, savourant un instant
de repos.
    Au bout d’un moment, Charles rompit le silence :
    — Madeleine, Madeleine…
    Et il se tut. Surprise, je levai les yeux vers lui. Je ne
vis que son profil ; il regardait, avec une curieuse obstination, le bout
de ses chaussures. Et il y avait sur son visage une expression que je ne lui
avais jamais vue, comme un mélange d’embarras et d’espoir.
    — Madeleine, reprit-il, avec ce qu’il me parut
être un véritable effort, comme on est là, seuls, tous les deux, je voudrais te
dire…
    Il s’interrompit de nouveau. Sur le moment, je n’ai pas deviné,
je n’ai pas compris où il voulait en venir. L’étonnement que je ressentais s’entendit
dans ma voix :
    — Charles, qu’est-ce qu’il y a ? Que veux-tu
dire ?
    Il secoua la tête, de plus en plus embarrassé, ne sachant
que répondre. Enfin, il dit, en hésitant, toujours sans me regarder :
    — Madeleine… je voudrais te dire… te demander… eh
bien, voilà… si on se fréquentait, tous les deux ?
    Je suis restée muette de stupeur. Je ne m’attendais pas du
tout à une telle proposition de la part de Charles. Je n’avais jamais pensé à
lui de cette façon-là. Pour moi, Charles était un frère, un ami, rien de plus. Il
ne m’était jamais venu à l’esprit, non plus, qu’il pût voir en moi autre chose
qu’une amie d’enfance, ou une sœur tendrement chérie.
    Mon absence de réaction l’encouragea-t-elle ? Il leva
les yeux vers moi, et reprit, avec un mélange de timidité et de passion :
    — Je le voudrais tant, Madeleine… Tu comprends, je
t’aime, je crois que je t’aime depuis toujours. Je voudrais tant que tu sois ma
femme…
    Je le

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