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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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m’enveloppa d’un
regard à la fois tendre et complice, me fit un sourire lumineux, avant de se
détourner et de faire descendre Juliette.
    — Ah ! s’exclama-t-elle, quelle promenade !
C’était formidable ! hein, Madeleine, qu’en penses-tu ?
    J’acquiesçai, encore troublée.
    — Viens, dit Juliette en me prenant le bras, allons
nous rafraîchir. Cette poussière m’a donné soif.
    Elle m’emmena dans la cuisine, où nous avons étanché notre
soif avec un grand verre d’eau. Puis nous sommes montées dans sa chambre, où
nous nous sommes lavé le visage et les mains. Nous nous sommes recoiffées et
nous avons brossé notre robe grise de poussière. Nous avons bavardé et je crois
que c’était surtout Juliette qui parlait. Moi, je me contentais d’acquiescer. Mon
corps était là, près de Juliette, mais mon esprit était resté dehors, auprès d’Henri.
    — Viens, dit Juliette au bout d’un moment, en se
levant. Allons voir maman.
    Nous avons retrouvé sa mère au salon. Elle était toujours pareille,
douce et souriante. Elle nous offrit une tranche de gâteau, une tasse de café. La
finesse de la porcelaine me changeait de la grossière faïence que nous
utilisions à la maison, et, malgré moi, je ne me sentais pas tout à fait à l’aise.
Le fossé qui séparait nos deux mondes existait toujours. Outre le décor dans
lequel Juliette vivait, quantité de détails m’obligeaient à ne pas l’oublier. Ainsi,
chez elle, il fallait laisser fondre le sucre dans la tasse, et bien mélanger
avec une petite cuiller, avant de boire. Alors que nous, dans le coron, nous
placions le morceau de sucre dans la bouche et le laissions fondre lentement en
buvant le café. C’étaient de petites différences, mais combien révélatrices !
    Heureusement, notre amitié était au-dessus de tels détails. Elle
m’avait même confié, un jour, que sa mère m’appréciait, me trouvant polie, douce
et bien élevée, et sachant « rester à ma place ». Qu’entendait-elle
par là ? J’avais préféré ne pas approfondir. Je savais que, pour Juliette,
notre différence de milieu ne comptait pas, mais je n’osais m’interroger sur ce
sujet concernant Henri.
    Juliette racontait notre promenade à sa mère, et lui
expliquait que Henri s’amusait à faire peur aux gens :
    — Comme si le bruit ne suffisait pas, il donne
des coups de trompe à réveiller un sourd ! Nous avons bien ri, n’est-ce
pas, Madeleine ?
    En souriant, j’acquiesçai. Je sentais encore dans mes
cheveux, à mes oreilles, le vent de la course. J’étais un peu étourdie, et je
savais que mes joues gardaient une rougeur qui n’était pas due uniquement à la
promenade en automobile.
    Puis je me levai pour prendre congé. La mère de Juliette m’invita
à venir aussi souvent que je le désirais. Sur le moment, cela me fit plaisir. Maintenant,
avec le recul, je m’interroge. N’a-t-elle eu aucune intuition, ne s’est-elle
jamais doutée que, mise en présence de son fils, je pourrais tomber amoureuse
de lui ? Ou alors la différence de milieu l’a rassurée tout de suite. Si
un doute est venu l’effleurer, elle aura pensé que je pourrais peut-être lever
les yeux jusqu’à Henri, mais que lui ne les abaisserait jamais jusqu’à moi.
    — Je vais te raccompagner jusqu’au portail, me
dit Juliette.
    Comme nous sortions de la maison, Henri rentrait. Nous avons
échangé un regard, et ses yeux exprimaient tant de choses que mon cœur se mit à
trembler.
    — Tu pars, Madeleine ? Eh bien, au revoir. J’espère
que la promenade t’a plu ?
    — Oui, beaucoup.
    — Alors, nous pourrons recommencer. Qu’en
penses-tu ?
    Je me troublai, et bégayai :
    — Heu… oui, oui… bien sûr…
    — Alors, c’est d’accord. Nous verrons ça. Juliette
te préviendra. N’est-ce pas, Juliette ?
    — Oui, bien sûr, acquiesça Juliette.
    Il me serra la main, et la garda dans la sienne quelques
secondes de plus qu’il n’était nécessaire. Ai-je même rêvé cette légère caresse
qu’il me fit sur le poignet ? Je sais seulement que je fus très troublée, et
que je retirai ma main en me sentant rougir.
    Je sortis ; Juliette m’accompagna jusqu’au portail. Le
soleil déclinait, et allongeait les ombres des arbres. Le vent fraîchissait un peu,
et la douceur d’un soir d’été s’annonçait.
    A la grille, Juliette m’embrassa :
    — Au revoir, Madeleine. J’irai te voir dans la
semaine.
    En m’éloignant,

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