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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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communion solennelle. Ce jour-là, nous le fîmes photographier. Nous
avons organisé un grand repas, où nous avons invité parents et amis, et où nous
avons bu, mangé, dansé et chanté. Ce fut la seule fois de ma vie où je vis
Charles un peu ivre.
    Juliette eut un enfant, un garçon qu’elle prénomma Germain, aussi
turbulent et remuant que Jean était calme et grave. Elle qui connaissait
maintenant les joies de la maternité compatissait aux malheurs de sa belle-sœur
qui, après bientôt huit ans de mariage, avait fait une fois de plus une fausse
couche. Cette fois-ci, l’hémorragie qui avait suivi avait été si forte qu’il
avait fallu l’opérer d’urgence pour la sauver. Le médecin leur avait annoncé qu’elle
ne pourrait pas avoir d’enfant.
    — Toutes ces fausses couches, toutes ces
souffrances pour rien ! C’est triste, tu sais, Madeleine. J’ai fini par
aimer ma belle-sœur, elle est douce, placide et calme. Son désespoir m’a fait
mal. Henri, lui aussi, a été très déçu.
    Je ne disais rien, qu’aurais-je pu répondre ? Je ne
pouvais m’empêcher de penser que c’était peut-être une sorte de punition pour
Henri. J’étais triste pour Gerda, qui était innocente et ne connaissait
probablement pas la vérité. Mais je ne pouvais pas plaindre Henri.
    Et puis vint l’année 1933, et avec elle, les difficultés de
toutes sortes se précisèrent.
    Ce fut d’abord une aggravation des conditions de travail. Les
charbons étrangers vinrent concurrencer le nôtre, et les stocks s’accumulèrent
sur les carreaux de fosses. Les compagnies obligèrent les mineurs à chômer un
jour par semaine, ce qui donna encore lieu à des réductions de salaire. Ce fut
aussi l’époque où commencèrent les brimades, les amendes, les menaces de
licenciement.
    — Ça devient pénible, disait Charles. Pour le
moindre retard, la moindre maladresse, le porion nous colle une amende, et nous
ne pouvons rien faire !
    Le 26 novembre de cette année-là, la C.G.T. et la C.G.T.U. organisèrent
la Marche des Mineurs. Dans tout le bassin, d’importants cortèges se formèrent,
se dirigeant vers Arras, Béthune, Douai ou Valenciennes.
    Dans le village, ils se rassemblèrent sur le carreau de la
fosse, et partirent rejoindre ceux des autres puits. Charles, son père et ses
frères y participèrent. Stephan, le père d’Anna, y était aussi. Il portait une
pancarte sur laquelle était inscrit : « Du travail et du pain ».
    — Pas la peine nous faire venir, disait-il dans
son jargon, et nous promettre travail, si après on n’a plus rien !
    Avec Jean, je les regardai défiler. Nombreuses étaient les
pancartes, qui disaient : « Nous protestons contre la misère dans nos
corons et la ruine de nos régions » ou « Contre le chômage » ou
encore « Pour la défense des salaires ».
    — Ils ont raison, dit Jean. Je ferai comme eux
moi aussi. Après tout, ils défendent leur droit à la vie, ils veulent être
considérés comme des êtres humains, c’est normal.
    Le soir, Charles revint, exténué, fourbu :
    — Je ne sais pas si ça servira à quelque chose. C’est
la crise, rien ne va plus.
    Je sentais l’inquiétude m’étreindre. Comment cela allait-il
se terminer ?
     
    Pourtant, il y avait encore de bons moments. Cette même
année, au mois de juin, Georges, mon beau-frère, épousa Anna, qu’il avait
souvent rencontrée chez moi, et qui était devenue une grande et belle jeune
fille. Ma belle-mère me confia :
    — Je suis contente qu’il se marie, contrairement
à Julien qui, lui, est toujours célibataire. Mais j’aurais préféré qu’il
choisisse une fille de chez nous. Je n’ai jamais pensé qu’il pourrait épouser
une Polonaise…
    Je la raisonnai du mieux que je pus. Je connaissais Anna, elle
était douce et maternelle. Qu’elle fût polonaise ne changeait rien à ses
qualités. Ma belle-mère hocha la tête, pas entièrement convaincue.
    Le mariage eut lieu, par un beau jour de juin. Ils firent un
cortège avec un accordéoniste et un violoniste en tête qui, ensuite, firent
danser tout le monde. J’aimai beaucoup leur musique, leurs polkas joyeuses et
entraînantes. Il y avait toutes sortes de gâteaux, différents des nôtres, et
que je trouvai délicieux. Le repas se passa dans la gaieté. À grands renforts
de Na zdrowie ! [3] ,
ils levaient leurs verres avant de boire. Ce fut un beau mariage, gai, bruyant,
chaleureux.
    Le mois suivant, un dimanche, nous

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