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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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continuer ses études, Madeleine ?
    Je haussai les épaules, agacée, et me décidai à expliquer :
    — Je n’en sais rien encore. C’est très difficile,
pour un fils de mineur. Les études coûtent cher. Et puis, être mineur de père
en fils, c’est la règle, tu le sais bien. Dans une famille, dès qu’un garçon a
quatorze ans, le garde des mines vient le recruter. Si le garçon refuse, la
Compagnie licencie son père, ses frères, toute sa famille si besoin est. Tu
sais bien que ça se passe de cette façon. Alors, pourquoi me poses-tu une telle
question ? Ai-je le choix, dis-moi ?
    — Oui, ce choix, je peux te le donner, si tu le
veux.
    Je le regardai, sceptique :
    — Que veux-tu dire ?
    — Eh bien… Vois-tu, Madeleine, la seule pensée de
Jean travaillant au fond me rend malade. S’il est doué pour les études, il faut
l’encourager dans ce sens. Et s’il ne veut pas quitter le milieu de la mine, il
peut faire des études d’ingénieur. Alors, voilà à quoi j’ai pensé : quand
il aura quatorze ans, il quittera l’école primaire. Confie-le-moi. Je paierai
ses études, je m’occuperai de lui…
    Violemment, je le coupai :
    — Ah non ! Tu n’auras pas mon fils ! Ne
cherche pas à me le prendre, sous prétexte que tu viens de t’apercevoir qu’il
existe !
    Il eut un geste d’apaisement :
    — Mais je ne cherche pas à te le prendre. Ce sera
toujours ton fils. Si tu veux, je ne lui dirai rien. Nous lui ferons croire que
c’est Juliette qui, en tant que marraine, lui paie ses études. Si tu es d’accord,
il sera pensionnaire, au lycée où moi-même j’ai fait mes études. Je connais le
directeur, il acceptera de le prendre sans problème. C’est mon fils, après tout.
Même si je ne le lui dis pas, ce que je te promets, j’aimerais le connaître, l’aimer
et me faire aimer de lui. Je voudrais que, par la suite, il puisse travailler
avec moi, me seconder, comme je l’ai fait avec mon père. Ne refuse pas, Madeleine…
    Je comprenais qu’il avait déjà tout prévu, qu’il espérait
mon accord pour enrôler mon fils, le prendre sous sa coupe, lui faire connaître
son monde à lui, ce monde de luxe et de facilité si différent de la vie à
laquelle Jean était habitué, une vie basée sur un labeur incessant et la sueur
quotidienne. Et mon Jean, si pur, si tendre, se laisserait peut-être entraîner,
corrompre, préférerait la vie que lui offrirait Henri. Peut-être nous
mépriserait-il, Charles et moi ? Je ne pourrais pas le supporter. Je dis
avec netteté :
    — Non, Henri, je ne veux pas. Tu l’as refusé dès
le départ, cet enfant, il est trop tard maintenant.
    Il soupira avec découragement :
    — Tu es dure, Madeleine. Si tu savais comme je
regrette mon attitude d’autrefois… Dans la mesure du possible, je voudrais
réparer, donner sa chance à Jean. Je voudrais qu’il puisse être ce qu’il aurait
été si je t’avais épousée…
    — Mais tu ne m’as pas épousée. Tu m’as laissée
tomber, sans te préoccuper de ce que je deviendrais. Et maintenant, parce que
tu n’as pas d’enfant, tu viens me réclamer mon fils. C’est trop facile ! Tu
n’as aucun droit sur lui, ce n’est plus ton fils, c’est le nôtre, uniquement, à
Charles et à moi.
    Le reproche que je lus dans ses yeux me fit mal, malgré moi.
Mais je refusai de m’apitoyer. Et surtout, je ne voulais pas prendre le risque
de perdre Jean.
    A voix basse, il supplia :
    — Madeleine, je t’en prie, ne dis pas non…
    Je ne pus m’empêcher de demander :
    — Et ta femme, que dit-elle ? Elle est au
courant ?
    — Oui, je lui ai tout dit. Elle ne formule aucune
objection. Elle est plus compréhensive que toi. Elle qui n’a pas pu me donner d’enfant
ne se sent pas le droit de me priver de mon fils, même s’il n’est pas le sien.
    — C’est non, Henri. Et je voudrais que tu me
laisses tranquille. Tu as failli briser ma vie. Malgré tout, j’ai réussi à être
heureuse. Alors, ne viens pas tout détruire à nouveau.
    Il soupira, une nouvelle fois, et me demanda :
    — C’est ton dernier mot, Madeleine ?
    — Oui.
    — Je n’irai pas contre ta volonté. Comme tu me l’as
fait remarquer très justement, ce n’est plus mon fils, j’ai perdu tout droit
sur lui. Pourtant, je pourrais donner des ordres pour qu’il ne soit pas pris à
la mine. Mais je ne le ferai pas. J’espère par là te prouver ma bonne volonté, j’espère
que tu réfléchiras encore,

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