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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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marchait plus voûté, penché en avant ; il s’était redressé, il m’apparaissait,
à tous points de vue, libéré.
    Ma mère m’approuva, mes beaux-parents également, qui ne se
consolaient pas de la mort de Julien. Ce fut à partir de cette époque que j’ai
vu, peu à peu, ma belle-mère dépérir. Malgré notre affection, à Charles et à
moi, à Georges, Anna et Jean, son petit-fils qu’elle adorait, malgré aussi la
présence de Pierre, son mari, elle se laissa mourir de chagrin. À ma mère qui, parfois,
essayait de la raisonner, elle répondait doucement :
    — Je ne peux plus, Louise, je n’ai plus de forces…
Après Marie, Julien maintenant… C’est trop, tu comprends… Je sens bien que je
ne m’en remettrai pas… Et, lorsque j’essaie de réagir, je pense que la même
chose peut arriver à Georges, à Charles… Comment vivre avec une telle hantise, en
plus d’un cœur brisé ?
    Elle maigrit, perdit ses forces. Ses cheveux devinrent tout
blancs. Elle ne fut plus que l’ombre d’elle-même. Son regard était lointain, il
semblait ne plus nous voir, mais au contraire se tourner vers un ailleurs, où l’attendaient
ses deux enfants perdus.
     
    L’été passa, l’automne arriva. Le jour de la rentrée, Juliette
vint chercher Jean. Henri devait le conduire au lycée. J’embrassai mon fils
comme s’il allait m’être ravi. Un instinct, au fond de moi, me commandait de ne
pas le laisser partir. Et pourtant, j’acceptais son départ. Il me serra dans
ses bras, impressionné lui aussi, triste de me quitter mais malgré tout
impatient de commencer sa nouvelle vie. Je le regardai s’en aller avec Juliette,
qui l’emmenait vers Henri, et je ne pouvais empêcher mes larmes de couler.
    Il me fallut apprendre à vivre sans lui, jour après jour, ne
le retrouvant qu’en fin de semaine. Le soir, nous ne fûmes plus que deux, Charles
et moi ; la présence, la vivacité de Jean me manquaient beaucoup. Les
premiers temps, je ne pouvais pas passer devant sa chambre inoccupée sans
pleurer. Où était-il ? Que faisait-il ? Une nouvelle inquiétude, sournoise,
venait me torturer : cette autre vie qu’il menait, si différente de la
nôtre, n’allait-elle pas me changer mon enfant ?
    Lorsqu’il revint pour la première fois, après la longue
semaine passée loin de moi, je ne pus m’empêcher de l’embrasser, encore et
encore. C’était Henri qui l’avait ramené ; par la fenêtre, j’avais épié
leurs adieux. J’avais vu mon fils embrasser Henri avant de descendre de l’automobile.
L’un près de l’autre, leur ressemblance m’avait frappée. Jean, d’ailleurs, ne
tarit pas d’éloges sur Henri :
    — Il est très gentil avec moi, tu sais, maman. Il
semble m’aimer beaucoup. Quand marraine Juliette, la semaine dernière, m’a
présenté à lui, il m’a regardé intensément, et j’ai remarqué qu’il était ému. Quand
j’ai demandé pourquoi à marraine Juliette, elle m’a dit que c’était parce qu’il
aurait aimé avoir un fils comme moi et qu’il n’en avait pas eu.
    Je m’en suis aperçue tout de suite, Henri l’attirait, lui
plaisait. Les rares fois où j’eus l’occasion de les voir ensemble, je notai, avec
une pointe de jalousie, la complicité de leurs gestes, de leurs regards. Je fus
d’ailleurs incapable de lutter contre l’attirance qui, dès le début, les
rapprocha. Il n’est pas vain de parler des liens du sang. Par un instinct
obscur et profond, venu du fond des âges, ils se reconnaissaient sans s’être
jamais vus. Et je me disais que rien ne les séparerait plus.
    Peu à peu mon fils se transformait. Il devenait plus raffiné,
ses manières étaient plus policées. Ses études le passionnaient, et moi qui n’avais
pas eu la chance de pouvoir continuer les miennes, je lisais ses livres, j’écoutais
les explications qu’il me donnait avec un enthousiasme communicatif. Et surtout,
avec nous, sa famille, il restait le même, il n’avait pas changé. Sa nouvelle
vie ne gâtait pas sa nature simple et affectueuse.
    Les semaines me paraissaient longues. Je ressentais notre
séparation dans mon corps, comme une douleur physique qui, latente et sourde, ne
me quittait pas un instant. Heureusement, ma petite amie Marcelle était là. Elle
traversait la rue, et venait souvent passer quelque temps avec moi. Sa présence
me faisait du bien.
    — Si elle vous ennuie, me disait Catherine, sa
mère, n’hésitez pas à la renvoyer !
    Je

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