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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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répliquais, avec sincérité :
    — Elle ne m’ennuie jamais, bien au contraire !
    Elle m’aidait à balayer, à faire le ménage, ou bien, si je
cousais, elle s’asseyait près de moi et sagement berçait sa poupée. Je lui
apprenais des chansons, je lui racontais des histoires. J’aimais la gravité, l’attention
avec lesquelles elle m’écoutait.
    Charles, à qui pourtant je ne disais rien, s’était rendu
compte de l’ennui que j’avais de Jean. Un jour, sans me prévenir, il revint à
la maison avec un poste de T. S. F. Je protestai, à la fois ravie et réticente :
    — Oh, Charles ! C’est fou !… C’est bien
trop cher, voyons !
    — Ne t’inquiète pas. Il est payable à crédit. Et
puis, ça te distraira, les jours où Jean n’est pas là.
    J’embrassai mon mari avec tendresse. Il était toujours prêt
à me faire plaisir, et j’appréciais les attentions dont il m’entourait.
    — Merci, Charles, tu es gentil.
    — Je veux que tu sois heureuse, Madeleine, je ne supporte
pas de te voir triste.
    Son cadeau ne fut pas inutile, Avec lui, c’étaient le monde,
la musique, la gaieté qui entraient chez moi chaque jour. Je pris l’habitude de
le faire marcher chaque fois que j’étais seule. Bientôt, je ne sus plus m’en
passer. Le silence me gênait, il me fallait le meubler grâce à mon poste. Je me
demandais comment j’avais pu vivre sans lui auparavant.
    Jean fut heureux de cet achat. Il s’exclama, dès qu’il l’aperçut :
    — Chic alors ! Chez Henri et chez marraine
Juliette, il y en a un. Je suis bien content qu’on en ait un, nous aussi !
    Il s’adaptait très bien à ses deux modes de vie : la
pension, le lycée, et puis la maison en fin de semaine. Il faisait connaissance
avec le luxe, l’automobile, il allait chez Juliette et chez Henri, où tout
était plus beau que chez nous. Une fois, il me dit :
    — Plus tard, moi aussi, j’aurai une belle maison
et une belle voiture, comme Henri.
    Mais il restait simple, et ne méprisait pas pour autant
notre modeste intérieur. Juliette elle-même me dit :
    — Il est à l’aise dans toutes les situations. Il
est exceptionnel. Ses études s’annoncent brillantes. Henri est de plus en plus
fou de lui. Il en est fier ! Gerda ne se montre pas jalouse. Au contraire,
elle aime beaucoup Jean, elle aussi.
    A de telles phrases, je ne répondais pas. Depuis que mon
fils connaissait Henri, je n’étais pas tranquille, tout en étant incapable de m’expliquer
pourquoi. J’éprouvais comme un malaise ; une intuition me soufflait que c’était
une situation boiteuse, que rien de bon n’en sortirait. Je me secouais pourtant,
et m’efforçais de ne voir que les avantages : Jean n’allait plus au fond, il
ne risquait plus rien, il continuait des études qui feraient de lui quelqu’un d’important.
Il était heureux, et pour moi c’était l’essentiel.
     
    Vint l’année 1936, qui amena un grand changement dans la vie
des mineurs. Il était temps, car les conditions de travail devenaient de plus
en plus intenables. Charles m’en parlait souvent.
    — Nous sommes patients pourtant, et puis ils sont
forts, ils comptent sur notre peur d’être licenciés. Mais, si ça continue, ça
va déboucher sur une révolution. Nous ne sommes pas des bêtes de somme !
    C’est pourquoi la victoire des syndicats fut d’autant plus
éclatante. Ils obtinrent, d’abord, une augmentation des salaires, avec cinq
jours de travail seulement, soit quarante heures de travail au lieu de
quarante-huit. Pour le fond, la semaine de travail fut même fixée à trente-huit
heures quarante.
    — Et, m’annonça Charles, il y a même un repos de
vingt-cinq minutes pour le briquet !
    Mais surtout, ce qui nous parut, à tous, presque incroyable,
ce furent les congés payés. Jusque-là, les dimanches étaient les seuls jours de
repos. Les fêtes légales aussi, comme le 14 Juillet ou le 1 er janvier, mais, si ces jours tombaient en semaine, ils n’étaient pas rémunérés. Pour
la première fois dans l’histoire du monde ouvrier, nous avons appris qu’il y
aurait douze jours de vacances payées. Cela nous sembla merveilleux, presque
trop beau pour être vrai. Beaucoup restèrent longtemps sceptiques :
    — Comment une telle chose peut-elle être possible ?
Ne pas travailler, et toucher le salaire quand même ! On n’a jamais vu ça !
    Les conditions de travail, elles aussi, redevenaient
normales.
    — Le système des

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