La Prison d'Édimbourg
tout ce qu’il lui restait de son aïeul, l’enthousiaste Bible Butler.
Pendant ce temps, Jeanie avait pris la Bible de Reuben, et la replaçant sur la table : – J’y ai marqué, lui dit-elle, deux versets que vous lirez quand je serai partie ; ils contiennent des leçons utiles. À présent, il faudra que vous écriviez tout ceci à mon père ; je n’ai pas l’esprit assez présent pour le faire moi-même, et d’ailleurs je n’en ai pas le temps, et je m’en rapporte à vous pour ce qu’il convient de lui dire. Dites-lui que j’espère le revoir bientôt. Quand vous le verrez, Reuben, je vous en prie, pour l’amour de moi, ne le contrariez pas dans ses idées, ne lui dites pas des mots latins ou anglais. Il est du vieux temps ; laissez-le dire ce qu’il voudra, quand même vous croiriez qu’il ait tort ; répondez-lui en peu de mots, et laissez-le parler tant qu’il lui plaira ; ce sera sa plus grande consolation. Et ma pauvre sœur ? Reuben ; mais je n’ai pas besoin de la recommander à votre bon cœur, persuadée que vous la verrez aussitôt qu’on vous permettra de la voir, et que vous lui donnerez toutes les consolations qui seront en votre pouvoir. Penser qu’elle est dans cette prison… Mais ne parlons plus d’elle, je ne veux pas vous quitter en pleurant, ce serait un mauvais augure. Adieu, adieu, Reuben.
Elle sortit précipitamment ; sur ses traits brillait encore le sourire mélancolique qu’elle avait adressé à son amant pour l’aider à supporter son absence.
Butler, après son départ, crut avoir perdu la faculté de voir, d’entendre et de réfléchir. Il lui semblait qu’il venait de faire un songe, ou de voir une apparition. Saddletree, qui rentra presque au même instant, l’accabla de questions sans pouvoir en obtenir une réponse. Heureusement le docte sellier se souvint que le baron de Loan-Head devait tenir son tribunal ce matin, et il était temps qu’il partît pour y assister. – Je ne veux pas y manquer, dit-il à Butler, ce n’est pas que je croie que la séance sera intéressante ; mais le bailli est un brave homme, et je sais qu’il aime que je sois là, afin d’avoir un mot d’avis au besoin.
Dès qu’il fut parti, Butler courut à sa Bible, que Jeanie venait de toucher. À sa grande surprise, il en tomba un papier dans lequel étaient enveloppées deux pièces d’or. Elle avait marqué au crayon les versets 16 et 25 du psaume XXXVII.
« Le peu que possède l’homme de bien, vaut mieux que toutes les richesses du méchant. »
« J’ai été jeune, et je suis vieux, mais je n’ai jamais vu le juste abandonné, ni ses enfans mendiant leur pain. »
Touché jusqu’aux larmes de la tendre délicatesse avec laquelle Jeanie avait cherché à lui faire accepter un secours dont elle supposait qu’il pouvait avoir besoin, il pressa cet or contre ses lèvres et contre son cœur avec plus d’ardeur que ne fit jamais un avare. Imiter sa fermeté, sa confiance dans le secours du ciel, devint l’objet de son ambition, et son premier soin fut d’écrire à Deans pour l’informer de la généreuse résolution de sa fille, et du voyage qu’elle avait entrepris. Il réfléchit avec attention sur toutes les idées, sur toutes les phrases et même sur toutes les expressions de sa lettre, afin qu’elle pût déterminer le vieillard à approuver une entreprise si extraordinaire. Nous verrons, par la suite, l’effet que produisit cette épître. Butler en chargea un honnête paysan dont le commerce lui donnait de fréquentes relations avec Deans, et qui, pour le modique salaire d’une pinte de bière, se chargea de la lui remettre en mains propres {84} .
CHAPITRE XXVIII.
« Ma terre natale, adieu ! »
BYRON.
Un voyage d’Édimbourg à Londres est, au temps où nous sommes, une chose aussi simple que sûre pour le voyageur le plus novice et le plus faible. De nombreuses voitures à tout prix, et autant de paquebots, sont continuellement en route par terre et par mer pour aller d’une capitale à l’autre, et pour en revenir ; et le voyageur le plus timide et le plus indolent peut en quelques heures former le projet, et faire les préparatifs de ce voyage. Mais il n’en était pas de même en 1737. Il y avait alors si peu de relations entre Londres et Édimbourg, que des hommes qui vivent encore se souviennent d’avoir vu la malle de la première de ces deux villes arriver au bureau de poste général dans la capitale de
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