La Prophétie des papes
Curieux endroit pour un livre comme celui-là , mais nous pourrons peut-être rechercher plus tard sa provenance. Vous dites que vous avez des questions sur les textes A et B ?
â Oui.
â Et puis-je vous demander si vous êtes rattachée à une université ? »
Elisabetta hésita parce que la réponse conduirait inévitablement à dâautres questions. Mais elle tenait à rester aussi près de la vérité que possible.
« En fait, je travaille pour le Vatican.
â Vraiment ? Pourquoi le Vatican sâintéresse-t-il à Christopher Marlowe ?
â Eh bien, disons que lâhistoire de Faust a un lien avec des travaux que je conduis actuellement sur les postures de lâÃglise au XVI e siècle.
â Je vois, dit Harris, lentement. Bon, comme vous pouvez en juger par la promptitude de ma réponse, ce texte B que vous avez mâintéresse au plus haut point. Peut-être pourrais-je venir à Rome, disons, après-demain, pour le voir de mes propres yeux et, comme je serai alors à votre disposition, je vous dirai tout ce que vous voulez savoir sur les différences entre les versions A et B de Faust . »
Elisabetta se dit que ce serait terriblement utile et elle lui donna lâadresse de la Commission sur la via Napoleone. Mais lorsquâelle raccrocha, elle se demanda si elle nâaurait pas dû ajouter :
« Au fait, professeur, je devrais vous dire quelque chose : je suis religieuse. »
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La piazza Mastai était déserte et le calme régnait dans le couvent. Elisabetta était contente de retrouver le silence de sa chambre spartiate. Une heure plus tôt, elle avait tiré ses rideaux et enlevé lâun après lâautre ses lourds habits religieux avant dâenfiler avec plaisir sa chemise de nuit qui, en comparaison, ne pesait rien.
Elle était nouvelle, cette impression que son habit devenait de plus en plus pesant et étouffant. Lorsquâelle lâavait passé pour la première fois après avoir fait ses vÅux, elle avait ressenti une légèreté presque magique, comme si les mètres de coton noir nâétaient que de la gaze aérienne. Mais, ces derniers jours, dans le monde laïc des bus, des aéroports, des rues de la ville, et des jeunes femmes en robes dâété légères, ils lui avaient semblé écrasants. Regrettant instantanément ses pensées, Elisabetta sâabsorba dans une fervente prière pour demander pardon.
Ensuite, elle fut prête à aller se coucher. Même si sa prière avait contribué à apaiser son esprit, elle nâavait guère lâimpression de mieux comprendre la signification de la présence des squelettes trouvés à Saint-Calixte. Le lendemain, elle se plongerait dans Faust et le texte B, et chercherait à en savoir le plus possible avant lâarrivée du professeur Harris. Mais, dâabord, elle devrait traverser une nuit de turbulences. Les cauchemars qui avaient suivi son agression avaient resurgi et se mêlaient à des terreurs nouvelles. Elle redoutait désormais le monde nocturne, peuplé de labyrinthes pleins de restes humains macabres et dâignobles démons dotés de monstrueuses queues glabres.
Après une dernière prière qui lâaiderait à traverser la nuit sans encombre, Elisabetta se glissa entre les draps frais et éteignit sa lumière.
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Lorsque la lumière dâElisabetta sâéteignit, Aldo Vani jeta son mégot dans la fontaine et alluma une autre cigarette. Il traînait discrètement sur la piazza Mastai depuis une bonne heure, contemplant les fenêtres à lâétage du dortoir. Il avait un monoculaire compact caché au creux de sa main et, lorsquâil était sûr quâil nây avait personne dans la rue, il balayait les fenêtres plusieurs fois. En lâespace des deux secondes quâil avait fallu à Elisabetta pour tirer ses rideaux, il lâavait repérée. Troisième étage, quatrième fenêtre à partir du côté ouest du bâtiment. Il dut attendre que sa chambre et les autres de lâétage soient plongées dans le noir avant de pouvoir agir.
Un diamant et une petite ventouse avaient suffi à enlever sans bruit une vitre sur une fenêtre dâune salle de classe du rez-de-chaussée Ã
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