La Prophétie des papes
lâarrière de lâécole. Vani aurait parié sa vie que les locaux nâétaient pas protégés par une alarme et il grogna de satisfaction lorsquâil tourna la poignée de la fenêtre et se glissa à lâintérieur. Se servant dâune lampe stylo, il contourna les rangées de petits bureaux. Le couloir était plongé dans les ténèbres, seuls étaient visibles les indicateurs rouges des sorties de secours aux deux extrémités. Ses semelles de caoutchouc lui permirent de monter sans bruit lâescalier du côté ouest du couvent.
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Les yeux de sÅur Silvia sâouvrirent lorsquâelle comprit, comme souvent, que sa vessie la taquinait. Une longue expérience lui avait appris quâelle avait moins de deux minutes avant que survienne un accident. Elle partit pour la première de ses multiples expéditions nocturnes vers les toilettes communes.
Le périple commençait par la sollicitation de ses genoux arthritiques afin de leur faire supporter le poids de ses larges hanches. Ensuite, il lui fallait pousser ses pieds gonflés dans ses pantoufles et décrocher sa robe de chambre de la patère. Il lui restait moins dâune minute lorsquâelle tournait la poignée de la porte.
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La porte du troisième palier qui donnait sur le couloir grinça sur ses gonds rouillés et Vani dut lâouvrir très lentement. Le couloir était trop éclairé à son goût. Des veilleuses se trouvaient à chaque bout et au milieu. Il défit lâampoule de celle qui était la plus proche et marqua une pause pour compter les portes. La quatrième sur la façade donnant sur la piazza correspondait, il en était certain, à la quatrième fenêtre. Il vaudrait mieux quâelle ne soit pas fermée à clef, mais ce nâétait pas très important. Peu de serrures pouvaient lui résister plus de quelques secondes, en particulier dans un vieux bâtiment. Et, au pire, un coup dâépaule contre le chambranle et, malgré le bruit, il aurait largement le temps de lui planter son couteau dans la carotide. Et il serait redescendu avant que quiconque ne donne lâalerte.
Cette fois, il nâéchouerait pas. Il lâavait promis à K. Il sâattarderait juste assez longtemps pour voir le sang cesser de couler de son cou lorsque sa pression artérielle tomberait à zéro.
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SÅur Silvia se lava les mains et repartit à pas traînants vers le couloir. Sa chambre était deux portes plus loin que celle dâElisabetta. Elle se mit à cligner des yeux. Le couloir lui paraissait plus sombre que tout à lâheure.
Elle cessa de cligner.
Un homme était debout devant la porte dâElisabetta.
Pour une vieille dame infirme qui chantait ses cantiques dâune petite voix douce, elle laissa échapper un cri perçant monumental.
Vani ôta ses mains de la poignée de la porte et réfléchit calmement aux possibilités qui sâoffraient à lui. Il lui faudrait dix secondes pour foncer sur la nonne hurlante et la faire taire. Il lui faudrait dix secondes pour forcer la porte et finir le boulot quâil était venu accomplir. Il lui faudrait trois secondes pour abandonner sa mission et disparaître dans lâescalier.
Il prit sa décision et tourna la poignée de la porte dâElisabetta. Elle était verrouillée.
Dâautres portes commencèrent à sâouvrir.
Des religieuses et des novices envahirent le couloir, sâinterpellant tandis que sÅur Silvia continuait à produire des décibels.
Elisabetta se réveilla en sursaut et chercha lâinterrupteur de sa lampe à tâtons.
Dâautres portes sâouvrirent encore. Il ne restait guère de choix à Vani. Il savait quâil nây avait quâune chose pire que lâéchec, câétait de se faire prendre.
LorsquâElisabetta déverrouilla sa porte et lâouvrit, elle aperçut un homme vêtu de noir disparaître dans la cage dâescalier.
10
C AMBRIDGE, ANGLETERRE, 1584
Câ était le dimanche des Rameaux.
Cela faisait quatre longues années.
Chaque minute de chaque heure de chaque jour lâavait rapproché de ce moment. De son ultime débat public.
à plus dâun titre, sa vie dâérudit avait été aussi ardue que celle dâun ouvrier ou dâun marchand.
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