La Prophétie des papes
abasourdit Marlowe à un point quâil nâaurait pas cru possible.
Les femmes et les hommes se mirent à se défaire de leurs vêtements, lâun après lâautre. Les tapis se couvrirent de pourpoints, de justaucorps et de chausses, de corsages, de jupons et de vertugadins. Bientôt, de la chair rose fut exposée partout et Marlowe trembla et sâagita en voyant la nudité totale de douze beaux corps face à lui, les organes des hommes pleinement tumescents.
Lorsquâil se tourna vers son hôte pour partager son incrédulité, il fut encore plus surpris de constater que Walsingham et Cecil sâétaient également déshabillés.
« Montrez-lui, ordonna Walsingham. Allez-y, montrez-lui. »
Dâun même mouvement, tous se tournèrent et montrèrent leur dos à Marlowe.
Tous, y compris Walsingham, avaient une épaisse queue rose.
« Mon Dieu », balbutia Marlowe.
Walsingham lâexamina du coin de lâÅil.
« Ne soyez pas timide, Marlowe. Je vous demande de laisser sâexprimer votre véritable nature. »
Marlowe hésita un instant, puis il fit ce qui lui était ordonné. Il commença par enlever ses chaussures, puis ses vêtements un à un, jusquâà ce quâil ne lui reste que son haut-de-chausses. Il finit par le laisser tomber sur le sol.
Les autres se mirent à applaudir. Ils disaient ainsi leur approbation devant ce qui était peut-être la plus longue queue de la salle, celle de Marlowe.
« Choisissez qui vous voulez, dit Walsingham. Vous êtes parmi les vôtres, désormais. Vous pouvez faire ce que vous voulez. Vous êtes un lémure. »
Je suis un lémure.
Marlowe sâapprocha lentement dâun beau jeune homme blond qui lâencouragea dâun sourire éclatant.
Ma vie peut maintenant commencer.
14
L e carrelage au sous-sol de lâhôpital SantâAndrea était dâun jaune douteux et il était difficile de savoir sâil était propre ou sale. Pour un observateur extérieur, la présence dâune religieuse au beau milieu dâun groupe de policiers juste devant la morgue aurait pu suggérer une scène de deuil familial en présence dâun représentant de lâÃglise.
Mais Elisabetta était concentrée sur ses propres émotions, sâarmant de courage pour faire face à la mort.
Micaela sortit de la morgue, vêtue de sa longue blouse blanche de médecin. Elle prit Elisabetta par le bras et la tira à lâécart.
« Est-ce que tu es sûre de vouloir faire ça ? demanda-t-elle.
â Oui, absolument », répondit Elisabetta avec une assurance feinte. Puis elle ajouta : « Il le faut. »
Micaela la serra dans ses bras.
Lâinspecteur Leone était présent, toujours aussi irascible ; on aurait dit quâil avait dormi sans quitter son uniforme.
« Nous venons aussi. »
Micaela se raidit, tel un coq de combat prêt à sortir ses ergots.
« Le pathologiste a dit rien quâelle. Adressez-vous à lui, pas à moi. »
Elisabetta trouva étrange de se sentir à lâaise avec les morts « anciens », mais dâéprouver des difficultés face aux morts « récents » ; les squelettes et restes momifiés étaient rangés dans la partie sereine, rationnelle de son cerveau, alors quâelle paniquait à la vue du corps de quelquâun qui venait de décéder.
Peut-être était-ce quelque chose de primitif, fondé sur la peur de la chair dégradée. Ou peut-être, se dit-elle, était-ce aussi simple quâun souvenir dâenfance : essayer de réconcilier le corps défunt de sa mère dans son cercueil avec lâimage de lâéclatante vigueur quâelle avait donnée auparavant.
Lâhomme était allongé sur le dos et une petite serviette recouvrait ses parties intimes â sans doute, se dit Elisabetta, par respect pour la pudeur dâune religieuse. Sa poitrine était truffée de méchants trous noirs, provoqués par le passage des balles de 9 mm. Ses yeux étaient ouverts, mais curieusement, ils ne paraissaient pas plus éteints que lorsquâil était vivant. Son visage, figé dans la mort, était identique à celui, immobile, quâelle avait vu la nuit
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