La Prophétie des papes

lisse, et il n’avait pas non plus de sourcils ni d’ombre sur les joues. Alopécie totalis , avait répondu Micaela lorsqu’Elisabetta l’avait interrogée sur ces particularités. Un corps complètement glabre. C’était un homme ambitieux – tout le monde le disait, à la Commission – et les bribes de rumeurs qu’elle avait réussi à glaner à la cantine tournaient autour de la question de savoir si sa maladie allait interférer avec son désir manifeste d’accéder au rang de cardinal.
    Il s’approcha d’Elisabetta et la toisa.
    Â«Â C’est une tragédie, pour le professeur De Stefano. C’était un homme merveilleux. Savez-vous que je l’ai recruté personnellement pour cette mission ? »
    Elle hocha la tête.
    Â«Â Qui ferait une chose pareille ? Que dit la police ?
    âˆ’ Ils poursuivent leur enquête. »
    L’archevêque regarda Micaela par-dessus ses lunettes.
    Â«Â Je vous présente le docteur Celestino, ma sœur, dit Elisabetta.
    âˆ’ Ah, comme c’est merveilleux de se consacrer aux arts de la médecine. »
    Micaela réussit à afficher un petit sourire pincé et, au grand soulagement d’Elisabetta, elle se garda de toute réponse narquoise.
    Â«Â Je me demandais si je pouvais échanger quelques mots avec vous personnellement, dit Luongo à Elisabetta.
    âˆ’ Si c’est au sujet des catacombes et de l’homme qui a fait ça la nuit dernière, vous pouvez parler devant ma sœur. Elle a signé un accord de confidentialité avec la commission. Elle sait tout sur Saint-Calixte, Ulm et maintenant ceci.
    âˆ’ Oui, oui, je me souviens – nous vous avions intégrée dans le projet comme consultante, docteur, n’est-ce pas ? Merci pour l’aide que vous apportez à la commission et à l’Église. Dans ce cas, je vais parler librement. Elisabetta, mon message est bref et j’espère qu’il sera clair. Nous devons assumer nos responsabilités à la fois vis-à-vis du monde laïc et vis-à-vis de l’Église. Je suis certain que vous ferez votre devoir et aiderez la police de votre mieux pour retrouver la raison pour laquelle cet homme… » Luongo baissa la voix. « Je crois comprendre qu’il a une queue, poursuivit-il. Pourquoi cet homme a-t-il commis ces actes terribles ? Mais, en même temps, je suis sûr que vous serez sensible à la situation dans laquelle nous nous trouvons. Le conclave est imminent. Le monde entier se focalise sur l’importance grandiose de ce que nous, en tant qu’Église, allons faire pour choisir notre prochain pape. Nous ne pouvons polluer le déroulement du conclave en permettant que circulent des discours sordides sur Saint-Calixte et des hommes pourvus de queue. Pour cette raison, nous avons la coopération totale des autorités laïques pour imposer un embargo médiatique concernant les événements malheureux d’hier soir. Et, je dois le souligner, malgré la coïncidence étrange de l’anormalité anatomique de l’homme qui vous a agressés, le professeur De Stefano et vous, il n’y a pas de lien clair entre ces deux événements. »
    Le visage de Micaela devenait de plus en plus rouge et Elisabetta craignit que sa sœur ne lâche ses quatre vérités à l’archevêque. Elle essaya de la court-circuiter en disant :
    Â«Â Je comprends, Votre Excellence. »
    Ce ne fut pas suffisant. Micaela parut lutter pour maintenir sa voix à un niveau sonore acceptable dans un hôpital.
    Â«Â Coïncidence ? Pas de lien clair ? Vous rigolez ou quoi ? Vous trouvez ces squelettes dans les catacombes, ensuite, ils disparaissent tous, puis quelqu’un entre par effraction dans le couvent de ma sœur, puis le professeur est assassiné et Elisabetta est sauvée, uniquement par la grâce de Dieu, sans parler de l’intervention de mon frère. Et vous voulez qu’elle se taise ? »
    Elisabetta ne connaissait pas bien Luongo. Elle ne l’avait vu que quelques fois. Mais là, sur son visage se peignit un changement terrifiant, une expression de rage contenue qui cloua sur place Micaela.
    Â«Â Je tiens à me faire parfaitement comprendre, laissa-t-il échapper dans un souffle brûlant. Nous sommes tous deux