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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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chevet du malade, allant jusqu’à lui frictionner le dos, à tenir devant lui des bassins où il crachait son sang. Jamais la princesse ne faiblit. Elle qui, durant quinze années d’une union stérile, n’avait guère nourri pour son mari de dévotion sensible, sut se montrer douce en cette extrémité, aimante même. Elle paraissait animée d’une inépuisable compassion pour ce combattant déchu. Pas une fois elle ne lui reprocha son attitude à Pavie. Bien au contraire : elle avait fini par élaborer toute une théorie, selon laquelle, au plus fort de la bataille, la prudence de son époux avait épargné des milliers de vies, et préservé des forces précieuses pour l’avenir. Elle tenta même d’en persuader le principal intéressé – en vain : peut-être, pour l’en convaincre, n’y croyait-elle pas assez elle-même...

    Un matin, profitant d’une courte rémission, le duc d’Alençon eut la force de distinguer un courtisan. Il avait fait signe d’approcher au jeune Simon de Coisay qui, rentré à Lyon dans le sillage de l’armée rescapée, venait rendre cette ultime visite à un prince qui, d’un coup de tête, avait jadis changé sa destinée.
    — Je vous reconnais... Vous êtes ce cavalier qu’une branche avait assommé.
    — Pour vous servir, monseigneur.
    Le sourire de Simon, toujours radieux, aurait pu sembler déplacé en la circonstance. Mais le duc d’Alençon s’en réjouit : il lui rappelait un beau matin de chasse en forêt de Compiègne, et la splendeur des équipages, et ces gerfauts admirables qui, dans une autre vie, savaient si bien s’agripper à son poing ganté.
    — Et comment se porte votre frère ?
    — Je ne sais, monseigneur. Il est demeuré auprès du roi.
    Simon réalisa bien tard la maladresse d’une réponse sans doute trop prompte, trop franche.
    — Alors, Dieu le garde !
    Il y eut un silence.
    — Approchez ! ordonna le prince au jeune écuyer.
    Simon vint s’agenouiller à son chevet. Son sourire avait viré à l’expression d’une incertitude inquiète.
    — Je vous bénis, mon enfant.

    Après quoi Charles d’Alençon s’enfonça dans la mort sans résister. De rares questions le rattachaient, seules, au monde des vivants : la régente avait-elle demandé de ses nouvelles ? Allait-elle venir lui rendre visite ? Finirait-elle par lui accorder son pardon ?
    — Où est Madame ? demandait le mourant, chaque fois qu’il émergeait de l’espèce de délire où le plongeaient, chaque jour davantage, les drogues par lesquelles on tentait d’atténuer ses souffrances.
    — Ma mère va venir, répondait Marguerite. Elle l’a promis...
    Seulement les heures coulaient sans que cette visite intervînt. À la fin toutefois, alors que son gendre allait passer, l’on vit Madame franchir le seuil de la chambre. C’était à la tombée du jour. Et le mourant put enfin baiser cette main qui s’était refusée d’abord.
    — Dites bien au roi, madame, quand vous le reverrez, que depuis qu’il est prisonnier, mon déconfort et mon ennui sont tels qu’ils m’auront donné la mort.
    La régente soupira. Le prince essayait de sourire.
    — Je m’en vais, mais c’est sans regret. Moi qui, dans le passé, ai tant redouté cet instant, dites-vous que je l’accueille aujourd’hui comme une délivrance !
    Madame, d’un pouce ferme, traça un signe de croix sur le front de son gendre. Puis elle se retira, laissant sa fille seule avec un mari qui ne lui lâchait plus la main.
    — Ne me laissez pas, suppliait-il. M’amie, ne me laissez pas !
    L’or fondu d’un dernier rai de soleil caressait le front, trempé de sueur, du duc d’Alençon qui prononça le nom de Jésus miséricordieux avant de rendre l’âme. Marguerite, sa main toujours dans celles du défunt, se sentit tout à coup plus libre, plus triste, plus légère et plus vieille.
    Rouen, tour de Bouvreuil.
    U ne bourrasque chargée de pluie s’engouffra dans la cour aux trousses du cavalier, pour aller se fracasser contre la masse du donjon. Le vent n’avait cessé depuis des heures, renversant tout sur son passage ; il était venu ravager des baraquements jusque sous le grand porche. Méprisant ce déchaînement, l’envoyé d’Anne de Montmorency mit pied à terre sans aucune hâte. Il était saoul de tempête et trempé jusqu’aux os, mais quoique impatient d’aller se réchauffer, il mena sa monture aux communs d’un pas tranquille.
    En vérité, comme à chaque fois

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