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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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pourtant solide.
    Alité, frissonnant, le roi de France avait bientôt donné les signes d’une certaine confusion mentale. Nuit et jour, il réclamait sa mère, sa sœur, et faisait implorer l’empereur de lui accorder une audience... Les médecins dépêchés sur place, français autant qu’espagnols, avaient adopté d’emblée la mine circonspecte que leurs semblables réservent aux cas sans grand espoir. Ni les tisanes, ni les onguents, ni toutes sortes de remèdes n’amélioraient l’état du patient.
    Alors Charles Quint s’inquiéta. François n’était-il pas son meilleur atout ? Dans un tableau finalement assez sombre, où les menaces militaires, les trahisons larvées, les foyers de révolte menaçaient partout l’autorité impériale, la détention du roi de France offrait un avantage extraordinaire – avantage qu’une mort prématurée eût transformé en motif de guerre ! Il fallait à tout prix maintenir en vie l’otage de Madrid. Et puisque la présence de Charles au chevet du malade paraissait indiquée, lui-même finit par y consentir. À regret.

    C’est le fidèle Montmorency qui se chargea de venir annoncer cette audience à son roi. François reçut la nouvelle avec soulagement ; n’avait-il pas organisé, dans ce seul but, son transfert d’Italie en Espagne ?
    — Il faut qu’on me rase, qu’on me poudre, articula-t-il en s’efforçant de dominer sa fièvre.
    Mais la joie était absente de son regard ; au durcissement de ses traits, l’entourage comprit au contraire tout ce que cette petite victoire pouvait recéler d’amertume.
    Le soir venu, alors qu’on allumait de grosses bougies neuves dans la cellule – on disait : « la chambre du roi » –, des bruits d’agitation inhabituelle avertirent le prisonnier que son auguste visiteur approchait. François se redressa sur ses oreillers, puisant en lui-même un reliquat de forces en vue de faire bonne figure. Son valet ouvrit la porte en grand ; deux sentinelles entrèrent. On entendait, dans le couloir, se rapprocher des bruits de pas.
    Soudain, l’empereur Charles s’encadra dans l’ouverture. Le roi François le trouva certes petit et malingre ; mais dans le même temps, il fut surpris de la douceur du regard et de l’attitude de politesse, presque de déférence, adoptée par son visiteur. Les deux souverains s’embrassèrent avec chaleur, comme des parents longtemps séparés. L’un et l’autre avaient les yeux humides.
    — Empereur, mon seigneur, dit François, vous voyez ici votre serviteur et votre esclave.
    — Mais non. Je ne vois en vous qu’un homme libre, et mon bon frère et véritable ami.
    — Je ne suis que votre esclave.
    — Non, non. Ce qui importe le plus, c’est votre santé. Ne songez à rien d’autre. Pour le reste, vous verrez que tout va s’arranger dès que Mme d’Alençon sera là. Rassurez-vous, tout ira comme vous désirez.
    Le roi malade émit un étrange râle, comme si sa gorge serrée ne lui permettait pas d’exprimer tout ce qu’il attendait de l’arrivée annoncée de sa sœur.
    — Vous voyez en moi votre esclave, redit-il d’une voix étranglée.
    Ce mot d’esclave, revenant pour la troisième fois dans la bouche d’un souverain régnant, avait quelque chose de pénible. Le roi de Naples et Montmorency, qui seuls accompagnaient l’empereur, échangèrent un regard de gêne.
    — Sire, intervint le maréchal, Sa Majesté l’empereur et roi a tenu à venir vous témoigner de son amitié, et de sa confiance dans un règlement très prochain de la paix. Votre Majesté elle-même me disait, pas plus tard que ce matin, combien elle fondait d’espoir sur cet accord à venir...
    — Mon bon seigneur est maître de tout, insista François dans un accès d’humiliation aussi peu prévu qu’embarrassant.
    L’empereur comprit qu’il ne gagnerait rien à profiter d’une telle position de force ; il mit les propos du roi sur le compte de la fièvre, et prenant le contre-pied de la situation, s’affaira lui-même à retaper les oreillers de son prisonnier ; puis il prit sa main dans la sienne et relança la conversation sur l’arrivée très attendue de la duchesse d’Alençon.

    Marguerite et son petit cortège n’atteignirent que le lendemain soir la tour de Los Lujanes. L’empereur en personne descendit l’accueillir, et lui fit rendre les honneurs à la lumière d’une forêt de torches. La princesse, pour la circonstance, était vêtue de neuf ;

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