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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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débita, en espagnol, un compliment auquel personne ne répondit.

    Dès le lendemain, de bon matin, le cortège se mettait en route. Solidement juchée sur une haquenée aussi blanche que ses voiles, la princesse chevaucherait en milieu de convoi, entourée de quelques dames et d’archers en armes investis de sa protection. Le soleil se révéla bientôt brûlant ; la route, chaotique. On avalait de la poussière... Marguerite d’Alençon semblait indifférente à ces inconvénients. Aucune difficulté n’aurait pu la détourner de son but. Retrouver son roi, embrasser celui qui désormais lui tenait lieu, à l’en croire, de « mari, père et très aimé frère », telle était pour l’heure son obsession. « Le bien de vous voir est digne d’oublier toute autre chose », lui avait-elle écrit dans sa dernière lettre.
    Depuis son départ de Lyon, les obstacles s’étaient pourtant amoncelés sur le parcours de Marguerite. D’abord, le sauf-conduit concédé à regret par Charles Quint était arrivé avec retard. La princesse, impatiente de s’embarquer, avait dû prendre les devants ; et elle était déjà parvenue à Aigues-Mortes quand le passeport l’avait rejointe. Un vent déchaîné avait ensuite retardé son embarquement ; puis on avait dû naviguer de manière erratique afin d’éviter les Barbaresques... Cependant les fiers capitaines, fatiguant la chiourme aux limites, avaient pu rattraper en partie ces retards.
    La caravane poursuivait sa progression forcenée à travers un paysage de fin du monde.
    — Madame, cria un jour Villiers de L’Ile-Adam devant des écuyers en provenance de Madrid, ces messieurs sont porteurs d’une lettre du roi pour Votre Altesse Royale.
    — Je la lirai ce soir, répondit Marguerite sans s’émouvoir.
    Elle s’imposait ainsi des contritions et des tortures, dont elle affirmait qu’elles l’aidaient à se rapprocher de Dieu, au moins autant que la prière. Il n’empêche : ce soir-là, on la vit se jeter, littéralement, sur le pli tant attendu ; et quoique épuisée, elle veilla pour répondre longuement à ce frère dont elle se rapprochait à grands pas. « Dussé-je, pour vous rendre service, mettre au vent la cendre de mes os, lui écrivit-elle, rien ne me sera ni étrange ni difficile, ni pénible ; si c’est pour vous, tout m’est consolation, repos et honneur. À cette heure, monseigneur, je sens bien la force de l’amour que Notre Seigneur a mis entre nous trois. » Le troisième pilier était, dans son esprit, la régente Louise.

    Au sortir de la Catalogne, des gorges plus arides et d’impossibles défilés rendirent le voyage plus ardu encore. Les gentilshommes de l’escorte commencèrent à murmurer contre une expédition que la marche forcée rendait inhumaine. La princesse ne voulut rien savoir. Elle se contenta de marquer hautement, en entrant dans Saragosse, que la moitié du chemin était faite. Du reste, la résolution de Marguerite allait trouver, sur l’autre rive de l’Ebre, une justification nouvelle...
    Un messager l’attendait en effet, porteur d’un billet signé Montmorency, faisant état d’une dégradation soudaine – et fort inquiétante – de la santé du roi. Dès lors, le voyage prit le tour d’une course contre la mort. Sachant quelle faiblesse essentielle son frère pouvait cacher sous des dehors coruscants, la princesse se fit un sang d’encre. Elle se lamentait de ne pouvoir chevaucher plus vite. Il fallut doubler les étapes, et forcer les montures au risque d’en crever certaines. L’imposant cortège fut malmené, bousculé... L’on couvrit bientôt, en une seule journée, neuf et dix lieues, puis douze, par des chemins qui paraissaient s’aggraver de jour en jour. Quand enfin les hommes et les bêtes furent poussés dans leurs retranchements, Marguerite décida de diminuer son escorte pour en alléger la marche. Abandonnant la lourde caravane, on la vit s’échapper au milieu d’une troupe affolée d’hommes en armes qu’elle prétendit mener comme une horde.
    On avala les lieues au péril de tout. L’on manqua plusieurs fois de verser au ravin. L’on dépassa en route Mgr Salvati, le nonce du pape qui, vautré dans sa litière, demeura stupéfait de la nuée opaque soulevée par cette amazone et sa suite... Seulement Marguerite savait que, là-bas, dans le donjon madrilène, son frère était à l’agonie. Or, elle n’imaginait pas d’arriver pour le voir mourir ou

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