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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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méritait ?
    La jeune fille se contenta de sourire.
    — Le Parlement de Paris envie celui de Metz, affirma Duprat. Ces messieurs soutiennent la Sorbonne sans réserve.
    Dans la foulée de Pavie, la régente, soucieuse d’ordre, avait autorisé la faculté de théologie à créer une sorte d’inquisition gallicane, tribunal ad hoc formé de deux théologiens et deux parlementaires... Or la Sorbonne, profitant de la captivité du roi et de l’éloignement de sa sœur, était allée plus loin. Elle avait d’abord condamné les livres d’Érasme et la traduction de la Bible en français. Puis, à la faveur d’un procès intenté devant elle à Briçonnet, le fameux évêque de Meaux, elle s’employait maintenant à malmener le maudit cénacle qui, sous l’aile protectrice de Marguerite, avait voulu défendre en France, sinon tout à fait la Réforme, du moins les idées évangéliques...
    — Ma fille prend encore la défense de ce Briçonnet et de sa clique, soupira Madame. Vous verrez qu’elle ira me perturber le roi avec ce procès ! N’y aurait-il moyen, Duprat, de calmer un peu le Parlement là-dessus ?
    — Je ne suis pas certain, madame, que ce soit l’intérêt de la Couronne.
    — Mais de quoi parlez-vous ?
    — Eh bien, comme nous disions à l’instant... Si nous voulons grouper derrière nous les princes italiens, et réussir la paix à défaut d’avoir pu gagner la guerre, il est important, me semble-t-il, de donner quelques gages à l’Église romaine.
    La régente gratifia le chancelier d’un de ces regards vaguement méprisants qu’elle réservait, d’ordinaire, aux conseillers et officiers de deuxième ordre.
    — Vous devez savoir certaines choses, dit-elle.
    — Je sais...
    — Taisez-vous donc, et écoutez-moi plutôt.
    Madame sourit à sa suivante, et passant de son bras à celui de Duprat, lui fit comprendre qu’elle ne souhaitait nullement, pour une fois, la mettre dans la confidence. La jeune fille se fit discrète, et sous prétexte d’aller sentir les roses d’un buisson magnifique, tout blanc, s’éloigna vers le puits central. La régente se mit à parler à voix très basse, obligeant le chancelier à pencher comiquement la tête pour l’entendre.
    — J’ai confié à ma fille, avant son départ, une arme diplomatique imparable, commença-t-elle.
    — Oui ?
    — Je me suis dit que ses pourparlers avec l’empereur, en vue de la libération du roi, seraient certainement difficiles...
    — Oui ?
    — Cessez de dire « oui », c’est exaspérant.
    — Pardon, madame.
    La régente se tut quelques instants ; elle respirait lourdement.
    — Vous savez que nous avons passé, en Italie, des accords secrets avec le marquis de Pessaire et plusieurs princes excédés par la conduite de l’empereur  28 . Eh bien, j’ai autorisé la princesse à révéler à Charles Quint la teneur de ces accords. On dit l’empereur obsédé de complots et de conjurations ; cette révélation-là devrait l’occuper un moment. Entendez-moi bien : nous révélerons, s’il le faut, quelques noms – mais s’il le faut seulement. Considérez cela comme une monnaie d’échange...
    Le chancelier de France demeura coi ; sans doute ne trouvait-il rien à répondre.
    — Naturellement, reprit Madame d’un ton plus habituel, la princesse jugera elle-même de l’utilité de jouer ou non cette carte. Mais je tenais à ce qu’elle l’eût dans son jeu.
    Duprat hochait la tête, sans que l’on pût dire s’il était muet d’admiration ou privé de sa voix par l’indignation.
    Tolède.
    D ès que François fut rétabli, Marguerite eut à cœur d’entamer les négociations pour lesquelles elle avait entrepris le voyage d’Espagne. Il lui fallut donc s’arracher au chevet du roi convalescent pour se rendre auprès de l’empereur... Elle fit la route en litière, au sein d’un convoi digne de la reine de Saba, et sous l’escorte de plusieurs Grands dont Moncada. Le gouverneur de la province vint par ailleurs à sa rencontre, et conduisit jusqu’à Tolède l’impressionnant cortège.

    Charles Quint attendait la princesse au cœur de la ville, sur une place de Zocodover pavoisée pour l’occasion. La chaleur restait forte, en ce début d’automne ; et Marguerite jouait désespérément de l’éventail pour trouver un peu d’air. Le souverain, entouré notamment des ducs de Calabre, de Béjar et de Najara, afficha le plus grand respect envers l’émissaire de la régente ;

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