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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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sécheresse, trouvait sans doute, dans les difficultés du temps, un climat à sa convenance. Il n’hésitait plus à s’esclaffer en plein conseil ; et Madame, à plusieurs reprises, s’était vue dans l’obligation de le rappeler à une gravité de circonstance.

    Ce matin-là, c’est d’un pas plus allègre encore que de coutume qu’Antoine Duprat gagna le vieux cloître. La régente s’y efforçait à marcher un peu, dans l’espoir d’apprivoiser ses douleurs. En fait, la santé de la mère se ressentait de celle du fils ; et le flot de nouvelles qui, de Madrid, avaient notifié tout à la fois la maladie du roi et son rétablissement, s’était traduit, chez Madame, par un nouvel accès d’arthrose.
    — Duprat, lança-t-elle de loin, m’annoncerez-vous la guérison du roi ?
    À croire que la mine réjouie du chancelier l’avait trahi.
    — J’ai ce bonheur, madame. Nos émissaires à Tolède affirment que Sa Majesté va beaucoup mieux ! Les médecins la disent hors de danger, et le président de Selve, dans son rapport, m’écrit que, libre, le roi pourrait aller chasser à courre !
    — Dieu soit loué ! dit la régente en saisissant, sous son scapulaire de velours noir, une croix d’or qu’elle se mit à baiser avec ferveur.
    À ses côtés, Mlle d’Heilly partageait son euphorie ; elle crut même pouvoir se permettre d’embrasser sa maîtresse. Des rires résonnèrent dans toute la galerie. Louise exultait.
    — Je vais vous dire : c’est la présence de sa sœur à ses côtés qui l’aura sauvé ! Quels merveilleux enfants le Ciel m’a donnés !
    La régente parut oublier un instant ses douleurs et, s’appuyant à une des colonnettes du cloître, elle se signa plusieurs fois.
    — Nous nous rendrons aux Célestins dès ce soir, et je veux que l’on organise, pour demain, une grande procession jusqu’aux Cordeliers. Oh, chancelier, que la vie me sera douce, à nouveau !
    Duprat échangea un regard presque complice avec la demoiselle d’honneur. Mais déjà la régente retrouvait sa hauteur ordinaire.
    — D’autres nouvelles d’Espagne ?
    — Il devrait vous plaire de savoir que Mme d’Alençon fait également merveille auprès de Charles Quint, et qu’elle est au mieux avec le maréchal.
    — Brave petite ! Mais vous ne m’apprenez rien, Duprat ; sa lettre de Barcelone était déjà pleine de Montmorency ! Au reste...
    La régente baissa le ton.
    — Elle était pleine aussi d’un autre sujet. Vous savez bien lequel...
    — Mgr Briçonnet et le cercle de Meaux ?
    — Je ne comprends pas que ma fille, par ailleurs si fine, si déliée d’esprit, se soit entichée de ces prêcheurs assommants ! s’énerva-t-elle en laissant, de rage, tomber sa canne. Enfin, voulez-vous me dire si c’est l’affaire des princes, de se mêler de l’interprétation des Écritures et de la manière d’aller dire la messe ?
    — Mme d’Alençon a toujours été versée dans les choses de la Religion...
    — Mais à présent, cela nous place dans une situation embarrassante.
    La belle Anne d’Heilly avait ramassé la canne en bois d’amourette, mais plutôt que de la rendre à la mère du roi, elle lui offrit son bras pour avancer. Les douleurs semblaient revenues ; et chaque pas arrachait une grimace à Madame. Le chancelier ne fit rien pour l’apaiser.
    — Nous avons plus que jamais besoin de complaire au Saint-Père, dit-il. Si nous voulons dresser tous nos princes italiens contre l’empereur, la bénédiction du pape est une nécessité. D’ailleurs, je ne crois pas qu’à Venise, à Milan, à Naples, les luthériens soient en odeur de sainteté...
    Madame demeura un moment silencieuse.
    — Je suis tellement soulagée pour mon fils ! dit-elle encore. Dieu soit loué, mille fois !
    Il y eut un autre silence.
    — Pour ce qui est de l’Italie, reprit-elle, que voulez-vous ? Si le moyen de plaire à ces gens-là est de faire brûler quelques hérétiques, eh bien, qu’on en brûle ! Ce n’est pas moi qui trouverai à y redire.
    La demoiselle d’honneur ne s’autorisa aucun commentaire, mais on voyait bien, à sa mine, que ces propos de Madame la heurtaient.
    — Vous saisirez la politique, mais plus tard, lui décocha la régente. D’ailleurs, point n’est besoin de politique ! Vous avez vu ce méchant cardeur que les Lorrains ont envoyé au bûcher  27 , il y a quelques semaines ; ne croyez-vous pas qu’un homme ainsi fait n’a eu que ce qu’il

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