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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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comme mademoiselle, lâcha-t-il pour faire diversion.
    « Qui s’y frotte, s’y pique », se dit malicieusement Madame, citant la devise de son cher Louis XI.

    — En dehors de ma fille, s’enquit la régente, où en sont, là-bas, de Selve et les autres ?
    Elle voulait désigner les émissaires François de Tournon, archevêque de Bourges, et Philippe Chabot de Brion, qui négociaient en vain depuis trois mois avec le conseil d’Espagne.
    — Ils discutent des garanties que nous pourrions donner, pour le paiement de la rançon et l’observance d’autres clauses.
    — Et quelles seraient-elles, ces garanties ? Des otages ?
    Duprat regarda vivement Madame. Décidément, pensa-t-il, on ne peut rien lui cacher !
    — Les Impériaux voudraient nous prendre une douzaine de gentilshommes, concéda-t-il. Parmi les plus distingués.
    — Que ne le disiez-vous ?
    — J’attendais, madame, que les...
    — Une fois pour toutes, chancelier, j’exige – vous m’entendez ? – j’exige de connaître les demandes de l’ennemi à mesure qu’elles sont formulées.
    — Madame...
    — Comment voulez-vous que je réagisse utilement, si je ne suis pas au courant des choses ?
    En vérité, Louise de Savoie s’emportait contre son grand commis pour mieux dissimuler l’embarras où la plongeait cette nouvelle condition.
    — Ont-ils déjà formulé des noms ?
    — Oui, madame. Ils voudraient les ducs de Vendôme et d’Albany, le marquis de Saluces, les comtes de Saint-Pol et de Guise, M. de Lautrec, M. d’Aubigny, M. de Laval, M. de Rieux, le grand sénéchal...
    — Le grand sénéchal ?
    — Ainsi que MM. Chabot de Brion et de Montmorency.
    — Montmorency, le maréchal ? Autant dire qu’ils veulent tous nos guerriers vivants, la substance même du royaume ! Cela ne se peut. Vous m’entendez, Duprat ? Cela ne se peut !
    — Ce ne sont, pour le moment, qu’hypothèses de travail...
    — Hypothèses de travail ? De qui vous moquez-vous ? D’eux ou de moi ?
    Le chancelier aida, d’un air piteux, la demoiselle d’honneur à ramasser les fleurs que, dans sa colère, la régente avait laissé choir. Louise pensait à voix haute.
    — Laval, Brézé, Montmorency, ruminait-elle. Non. Cela ne saurait être. Après tout, dit-elle d’un air énigmatique, nous avons mieux à leur donner...
    Au regard mauvais qu’elle lui avait décoché, Duprat crut comprendre qu’il était visé.
    — Je crains beaucoup la chaleur, madame, et...
    — Qu’allez-vous chercher, Duprat ? Vous croyez-vous à ce point indispensable, qu’on vous tienne pour monnaie d’échange ?
    Malgré sa colère, Madame ne put s’empêcher de sourire.
    — Non, reprit-elle. Ce n’est pas à vous que je songeais, mon pauvre ami... C’est à ce que j’ai de plus cher après le roi.
    — La princesse Marguerite ?
    La régente haussa les épaules. Ce fut la jeune d’Heilly qui donna la réponse.
    — Vos petits-enfants, madame !
    — Oui, laissa tomber Louise, d’une voix sans timbre. Peut-être allons-nous devoir sacrifier le dauphin François.
    — Madame, le dauphin !
    — Avez-vous mieux à proposer ?
    Déjà la régente se dirigeait vers la sortie, brisée, d’un pas douloureux.
    — Duprat, ordonna-t-elle avant de disparaître, je vous saurais gré d’adresser quelques mots à la tante de l’empereur, cette bonne Marguerite d’Autriche, pour lui dire toute la part que nous prenons à ses difficultés dans les Flandres et ailleurs. Tant il est vrai que ces paysans révoltés, jusqu’en Souabe, jusqu’en Rhénanie, ne sont jamais que les enfants de Luther.
    — Certes, madame. J’écrirai à la gouvernante des Pays-Bas.
    — C’est important.
    — Très important, madame.

    La régente une fois sortie, le chancelier demeura tout un moment seul dans le cloître. Il se sentait décontenancé. Peut-être lui fallait-il, tout simplement, un peu de temps pour assimiler ce qu’il avait entendu... Comme s’il lui avait fallu, toute affaire cessante, prendre la défense de sa maîtresse, il se mit à bâtir un discours dans le vide, prononçant pour les moineaux un éloge qui lui parut couler de source.
    — Cette femme-là, messieurs – que dis-je – cette maîtresse femme, aura su, dans des temps infiniment terribles, tenir ensemble les provinces, se concilier les parlements, subvenir aux besoins accrus d’un Trésor exsangue, ne serait-ce qu’en vue d’acheter le roi d’Angleterre... Elle aura tissé des

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