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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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prendre.
    Malheureusement pour les badauds, on avait choisi, pour loger ces dames, des demeures fort discrètes et qui communiquaient entre elles par des galeries couvertes, jetées par-dessus les rues. L’une d’elles reliait l’hôtel de la régente au cloître des Capucins, où s’installerait Marguerite ; une autre, ce même hôtel à l’abbaye Saint-Aubert où résidait, depuis quelques jours déjà, Marguerite d’Autriche. Tout se passerait donc à l’abri des regards.
    Mais les Cambraisiens, s’ils guettaient les sorties improbables de la régente de France et de sa fille, ne cachaient pas leur préférence pour la noble Marguerite d’Autriche, gouvernante des Pays-Bas et tante bien-aimée de Charles Quint. Certes, à cinquante ans ou presque, cette princesse n’était plus très séduisante – l’avait-elle jamais été ? Mais elle en imposait aux foules par un port souverain, une démarche en tout impériale, une hauteur de comportement qui n’excluait pas la simplicité. Surtout, le public connaissait le drame de sa vie, et s’en gargarisait. À vingt ans, guère plus, elle était devenue veuve du très beau Philibert de Savoie, qu’elle avait aimé ardemment ; à sa mémoire, elle avait fait bâtir, à Bourg-en-Bresse, le sublime monastère de Brou. Et par fidélité à leur passion, elle était restée veuve, intègre. Inconsolable. Comment ne pas la comprendre et l’admirer ?

    La gouvernante des Pays-Bas fit passer un billet de bienvenue à la régente de France, dont la délégation trop nombreuse tentait de s’installer en ville. Louise de Savoie s’était fait accompagner, notamment, de ses deux meilleurs négociateurs : l’inévitable chancelier Duprat, devenu depuis peu évêque et même cardinal, et qui briguait la légation du pape en France ; et puis le maréchal de Montmorency, désormais investi de la charge éminente de grand maître.
    — Enfin nous y sommes ! lança la régente au cardinal chancelier lorsqu’elle fut bien installée. Nous voilà donc à pied d’œuvre !
    Un sourire sincère illuminait son visage parcheminé. Louise était à l’initiative de cette rencontre. Il s’agissait, ici, de prendre le relais des souverains. Depuis des années maintenant, l’empereur et le roi se défiaient de la manière la plus stérile. Englués dans une logique d’affrontement, prisonniers de principes rigides, l’un et l’autre avaient envenimé les choses. François refusait toujours de ratifier le traité de Madrid ; Charles s’arc-boutait sur ses prétentions territoriales, à commencer par la Bourgogne... Ni l’un ni l’autre ne voulait céder d’un pouce ; et l’on en était arrivé à la pire des confrontations – celle qui, transportant tout sur le terrain de l’honneur, n’aurait pu se résoudre qu’en combat singulier, par un appel au jugement de Dieu.
    En attendant, les mois passaient et les petits otages, innocentes victimes d’une querelle de vanité, s’enfonçaient dans la nuit. Pour leur grand-mère, c’était un cas de conscience, pour ne pas dire un remords. Elle qui, déjà, dormait peu par crainte de la mort, voilà qu’elle en était devenue insomniaque.
    — Puisque les hommes se sont révélés incapables de régler l’affaire, avait-elle expliqué à sa fille, c’est à nous autres, femmes, qu’il appartient de la résoudre. L’expérience m’a montré cent fois que nous les valons bien sur ces questions, et qu’il n’est pas de blocage dont notre habileté ne finisse par venir à bout.
    Louise, après tout, gouvernait la France, presque seule, depuis quinze ans.
    — Vous qui venez de voir Marguerite d’Autriche, demanda-t-elle à Duprat, dans quelles dispositions l’avez-vous trouvée ?
    — Excellentes, madame, mais je ne m’y fierais pas. Mme Marguerite est une femme de pouvoir, et sous des dehors impassibles, elle dissimule la force de plusieurs chefs de guerre !
    — Qu’en pense notre grand maître ?
    — Il estime, tout comme moi, que Madame devrait lui parler, tout d’abord, en privé.
    C’est ce que l’on fit. Par égard pour l’âge de la régente, c’est la gouvernante qui vint à sa rencontre, par la galerie suspendue. Les badauds en furent bien pour leurs frais... Les deux femmes tombèrent dans les bras l’une de l’autre, et la politique n’en fut pas la seule cause. Au fond, Louise et Marguerite s’estimaient fort ; l’une et l’autre, respectivement, avaient forgé de toutes

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