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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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pièces les chefs des deux camps ; l’une et l’autre avaient souffert et gouverné ; de surcroît, elles ne pouvaient oublier qu’elles étaient parentes par le défunt Philibert.
    — Madame, prononça Marguerite d’Autriche dans le français le plus parfait, ce m’est un bonheur de vous voir. Je suis persuadée que nous pourrons, ensemble, démêler un écheveau que nos fils et neveux n’ont que trop emmêlé.
    — Vous parlez d’or, ma cousine. Et je savais qu’en me confiant à vous, je ne pouvais mal faire.
    — Vous avez même fort bien fait !

    Pour autant, ces protestations de bonne volonté ne pouvaient, seules, tenir lieu de négociation. Dans les jours qui suivirent, on multiplia les rencontres à six, à douze, à trente... Or, plus avançaient les pourparlers, et plus la situation semblait inextricable. Les échanges, de fort cordiaux, devinrent simplement courtois, puis assez froids. Ils se firent peu à peu ironiques, difficiles, cassants même. Au bout de trois semaines, le ton deviendrait plus que glacial : hostile et dur.
    La gouvernante traitait en position de force ; certes, la victoire de son neveu était loin maintenant ; et les forces, en Europe, s’étaient nettement rééquilibrées en faveur de la France. Partout dans l’Empire, des germes de sédition, alimentés et même attisés par la réforme luthérienne, fragilisaient la position de Charles Quint. Mais tout cela n’enlevait rien à la force imparable d’un fait : les deux premiers fils de François, le dauphin et le duc d’Orléans, étaient à l’entière merci des Impériaux. Et cela, Louise elle-même était bien obligée de l’admettre : n’était-ce pas ce qui, précisément, l’avait conduite à Cambrai ?
    Marguerite tenait les Enfants, Louise retenait la Bourgogne... Montmorency lui-même ne voyait plus très bien en quoi la discussion des dames différait, sur le fond comme dans la forme, de celle des souverains.
    Cambrai, couvent des Capucins.
    P armi les dames entraînées par Louise de Savoie dans son voyage en Cambrésis, la jeune épouse de l’amiral de France était sans aucun doute la plus triste. Mme Chabot de Brion ne chantait jamais, ne souriait presque plus, ne parlait guère. Cette jolie personne qui, autrefois, sous le nom de Françoise de Longwy, avait tant égayé le foyer des Brézé, s’était éteinte, en quelque sorte, le jour même de son mariage. Non que l’amiral de Brion, grand seigneur et bon vivant, fût un mari détestable ; seulement il n’était pas celui que son cœur et son esprit avaient élu. Elle lui avait donné, à contrecœur, une fille, puis un fils nouveau-né... Et tout, en elle, s’était délité ; même ses fameux cheveux, comparables, jadis, à ceux d’un archange, avaient fini par perdre leur éclat.
    Pour son malheur, la promiscuité imposée par la vie de cour obligeait la jeune amirale à croiser souvent l’ancien objet de ses feux. Le beau, le charmant Gautier de Coisay, depuis leurs pénibles adieux de Rouen, s’était marié de son côté ; il avait fondé sa propre famille – terrible gâchis... Françoise ne pouvait s’empêcher de souffrir mille morts chaque fois qu’elle l’apercevait. Et quand elle avait su qu’au service du grand maître, l’écuyer devait prendre, lui aussi, le chemin de Cambrai, elle avait cru devoir renoncer au voyage.
    — Que ferez-vous de plus à Blois ? avait pesté la régente. Votre époux inspecte les côtes, vos enfants sont encore aux langes... Venez avec nous, vous pourrez m’être utile.
    Françoise se demandait parfois si cette cruauté de Madame était le fruit d’une indifférence aux autres, ou bien l’effet pervers d’un besoin de les faire souffrir.
    Gautier, pour sa part, avait vite repéré la présence, dans le convoi, de la jeune amirale. Mais il avait feint de n’y prêter aucune attention.

    Un beau soir de l’été picard, la Providence les fit se croiser seule à seul dans un escalier des Capucins, chez la reine de Navarre. Gautier rougit comme un enfant de chœur.
    — Madame, hasarda-t-il, il est certaines choses que vous ignorez...
    — Monsieur de Coisay, je suis attendue chez la régente.
    — Il faudrait néanmoins que je vous dise un mot...
    — Pourrions-nous en finir assez vite ?
    — Nous n’avons même pas commencé. Cela faisait quatre ans révolus que vous n’aviez entendu le son de ma voix !
    — Quatre ans, un mois et une semaine, précisa-t-elle.
    Cette

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