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La règle de quatre

La règle de quatre

Titel: La règle de quatre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ian Caldwell
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sortie.
    — Allons-nous en dit-il.

Chapitre 15
    Nous échangeons à peine quelques paroles en quittant le centre Woolworth. Paul me devance assez pour que chacun se sente plus ou moins dans sa bulle. La tour de la chapelle se profile au loin. À son pied s’agglutinent plusieurs voitures de police, comme des crapauds s’abritant sous un chêne pour se protéger de la tempête. Un cordon jaune de sécurité claque dans le vent. Ce qui restait de Bill Stein, l’empreinte de son corps aux bras en croix allongé dans la neige, a disparu. De lui ne subsiste pas même une flétrissure sur ce manteau blanc.
    Nous arrivons à Dod Hall, où Charlie s’apprête à se recoucher. Secoué par ce qu’il a vu tout à l’heure, il s’est lancé dans un grand ménage pour se changer les idées : rangement du séjour, classement des journaux épars et du courrier non ouvert. Après un coup d’œil sur sa montre, il nous jette un regard désapprobateur, mais n’a pas la force de nous faire des reproches. Paul lui raconte notre aventure au musée, sachant qu’il insistera pour que nous appelions la police. Mais quand je lui parle des lettres que nous avons trouvées dans le tiroir de Stein, il semble se raviser.
    Paul et moi gagnons enfin notre chambre, nous déshabillons et nous glissons dans nos lits. Une fois couché, songeant à son émotion de tout à l’heure lorsqu’il évoquait Curry, je prends soudain conscience de quelque chose qui, jusque-là, m’avait échappé. Même si elle n’a pas duré, une sorte de plénitude paisible imprégnait leurs relations. Curry n’était jamais parvenu à décoderl’ Hypnerotomachia avant que Paul n’entre dans sa vie et ne lui offre des réponses que tous deux pourraient désormais partager. Ainsi ont-ils connu, en s’offrant l’un à l’autre ce dont chacun avait besoin, cette communion dont Paul rêvait depuis si longtemps.
    Je ne peux pas lui en vouloir d’avoir eu cette chance. Il la méritait plus que quiconque. Il n’a jamais eu de famille, de visage dans un cadre, de voix au bout du fil. Moi, peut-être de façon imparfaite, j’ai bénéficié de tout cela, même après la mort de mon père.
    Ce qui est en jeu, désormais, va beaucoup plus loin. Le journal du capitaine du port pourrait prouver que mon père avait raison. Par-delà la poussière et le temps, dans cette forêt de langues mortes et de gravures sur bois, il a mis le doigt sur la nature véritable del’ Hypnerotomachia. À l’époque, je n’y ai pas cru. L’idée qu’un vieux livre défraîchi pût contenir des trésors me paraissait ridicule, bornée, vaine. Mais celui qui se trompait, ce n’était pas mon père. C’était moi.
    — Arrête, Tom, chuchote soudain Paul au-dessus de ma tête.
    — Quoi ?
    — Cesse de t’apitoyer sur ton sort.
    — Je pensais à mon père.
    — Je sais. Essaie de penser à autre chose.
    — À quoi, par exemple ?
    — Je ne sais pas. À nous.
    — Je ne comprends pas.
    — À nous quatre. Sois heureux de ce que tu as.
    Il hésite un instant avant de reprendre :
    — Tu as décidé, pour l’année prochaine ? Tu as une idée de ce que tu vas faire ?
    — Je l’ignore encore.
    — Le Texas ?
    — Peut-être. Sauf que Katie sera encore ici.
    J’entends le froissement des draps. Paul s’est retourné dans son lit.
    — Et si je te disais que j’envisage d’aller à Chicago ?
    — Pardon ?
    — Pour un doctorat. J’ai reçu ma lettre le lendemain du jour où tu as reçu la tienne.
    Je suis stupéfait.
    — Tu croyais que j’irais où, l’année prochaine ? demande-t-il.
    — À Yale, pour travailler avec Pinto. Pourquoi Chicago ?
    — Pinto prend sa retraite. De toute façon, le programme de Chicago est meilleur. Et puis Melotti y est toujours.
    Melotti. L’un des derniers spécialistes del’ Hypnerotomachia. Mon père m’en parlait parfois.
    — De plus, ajoute Paul, si c’était assez bien pour ton père, je ne vois pas pourquoi ça ne me conviendrait pas.
    J’y avais songé, au moment des demandes, mais pour une raison très différente : si lui y avait été admis, pourquoi pas moi ?
    — En effet.
    — Alors, qu’est-ce que tu en penses ?
    — Quoi ? Du fait que tu veuilles aller à Chicago ?
    Il hésite de nouveau. Vraisemblablement, quelque chose m’a échappé.
    — Que nous, nous allions à Chicago.
    Le plancher craque dans la chambre au-dessus de la nôtre, écho d’un autre monde.
    — Pourquoi

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