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La règle de quatre

La règle de quatre

Titel: La règle de quatre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ian Caldwell
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davantage ? Mais je n’arrête pas ! Tu te rends compte de ce que tu dis ?
    — Je suis sur le point de résoudre l’énigme et toi, tu files !
    — Tu es sur le point de résoudre l’énigme ? Des clous, Tom. La vérité, c’est que tu es perdu ! Si tu rames autant, c’est que tu es à côté de la plaque.
    Je n’en revenais pas.
    — C’est vrai, ajouta-t-il, comme s’il attendait ce moment depuis des jours. J’ai presque fini la prochaine énigme alors que tu t’escrimes encore sur la précédente. J’ai essayé de ne pas m’en mêler. Chacun travaille à son rythme et, de toute façon, tu ne veux jamais de mon aide. Très bien, débrouille-toi tout seul. Mais n’essaie pas de me faire porter le chapeau.
    Plus un mot ne fut prononcé cette nuit-là.
     
    Je m’entêtai à vouloir prouver que Paul avait tort. Je terminais tard et commençais tôt, ayant pris l’habitude d’avancer mon réveil de quinze minutes chaque jour. Je voulais l’impressionner. Je trouvais chaque matin de nouvelles ruses pour passer plus de temps avec Colonna et, le soir, je comptais mes heures, comme un clochard additionnant ses pièces à la fin de la journée. Huit heures, lundi ; neuf, mardi ; dix, mercredi et jeudi ; presque douze vendredi.
    Que peuvent avoir en commun un coléoptère aveugle, un oiseau de nuit et un aigle au bec déformé ? Pline recense des coléoptères longicornes qu’on suspend au cou des enfants pour les protéger des maladies ; des coléoptères dorés qui exsudent un suc empoisonné mais ne survivent pas dans une localité voisine de la Thrace nommée Cantharolethus ; et des coléoptères noirs qui s’agglutinent dans les coins sombres et qu’on retrouve le plus souvent dans les baignoires. Mais un coléoptère aveugle ?
    Je gagnais du temps en ne prenant plus mes repas à Cloister Inn : l’aller et retour sur Prospect Avenue me prenait une demi-heure, à laquelle il fallait ajouter une demi-heure supplémentaire si je déjeunais avec quelqu’un. Je cessai de travailler à l’Ivy Club, d’abord pour éviter Paul, ensuite pour faire l’économie des quelques minutes qu’il m’aurait fallu pour circuler dans les tunnels. Je ne me servais plus du téléphone. Gil et Charlie répondaient à la porte et je me douchais le moins possible. Je devins rapidement un expert dans l’art d’économiser son temps en renonçant aux délicieuses petites choses de la vie.
    Que peuvent avoir en commun un coléoptère aveugle, un oiseau de nuit et un aigle au bec déformé ? Parmi les animaux ailés dépourvus de sang, écrit Aristote, les uns sont pourvus d’ailes recouvertes : ce sont les coléoptères. Parmi les oiseaux qui volent la nuit, certains ont les serres recourbées, comme la chouette et le corbeau nocturne. Quand l’aigle atteint un âge vénérable, la partie supérieure de son bec se met à pousser plus rapidement et de travers ; ainsi, le rapace finit par mourir de faim. Mais que peuvent bien avoir en commun tous ces animaux ?
    Pour moi, Katie était une cause perdue. La Katie que j’avais connue était forcément différente de celle qui fréquentait Donald Morgan. Je les imaginais partout alors que je ne sortais pas de ma chambre et, partout, ils se rendaient ridicules. Dans l’encoignure d’une porte ou sur un trottoir, dans l’ombre ou sous les nuages, ils étaient là, se tenaient par la main, s’embrassaient ou se chuchotaient des mots doux, tout ça pour moi, pour me montrer qu’un cœur fragile se brise vite mais se répare aussitôt. Katie avait laissé un soutien-gorge noir dans ma chambre. J’en fis mon trophée de guerre, le symbole d’une partie d’elle-même qu’elle avait abandonnée derrière elle et que Donald n’aurait jamais. Je la revoyais nue dans ma chambre, me rappelais les jours heureux où nos deux corps étaient si proches qu’elle s’oubliait, oubliait mon regard sur elle et s’offrait tout entière. Sa silhouette me hantait : les détails de son corps, chaque grain de beauté dans son dos, la gradation de l’ombre sous ses seins. Elle dansait sur la musique de mon radioréveil, passait une main dans ses cheveux, gardait l’autre refermée, devant sa bouche, sur un micro invisible ; et j’étais son unique spectateur.
    Que peuvent avoir en commun un coléoptère aveugle, un oiseau de nuit et un aigle au bec déformé ? Tous les trois volent, mais Pline dit que le coléoptère se réfugie parfois sous terre. Tous les

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