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La règle de quatre

La règle de quatre

Titel: La règle de quatre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ian Caldwell
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maintenant. Je ne peux plus écouter de chansons parce que nous les avons toutes chantées dans la voiture, ou dans ma chambre, ou ici. Il me faut des heures pour me préparer avant d’aller en cours, parce que je suis dans un état d’hébétude quasi permanent. Je ne retrouve pas mes chaussettes, je ne retrouve pas mon soutien-gorge noir, celui que je préfére. Donald me demande sans arrêt : « Ça va, ma chérie ? Qu’est-ce qu’il y a, ma chérie ? » Tout va bien, Donald !
    Elle recouvrit ses poignets du bout de ses manches et se tamponna les yeux.
    — Ce n’est pas ce que…, balbutiai-je.
    Mais ce n’était toujours pas mon tour.
    — Au moins, avec Peter, je pouvais comprendre. Ce n’était pas parfait entre nous. Il aimait le hockey plus qu’il ne m’aimait. Je le savais. Il voulait coucher avec moi. Rien de plus.
    Elle passa une main dans ses cheveux pour écarter les mèches qui s’étaient mêlées à ses larmes.
    — Mais toi ! Je me suis battue pour toi ! J ’ai attendu un mois avant de te laisser m’embrasser pour la première fois. Et après la première nuit avec toi, j’ai pleuré parce que je croyais que j’allais te perdre !
    Elle s’interrompit, comme frappée par une évidence :
    — Et maintenant, je vais te perdre à cause d’un livre ! Un livre ! Dis-moi que ce n’est pas vrai, Tom, que j’invente ! Dis-moi qu’il s’agit d’une fille, d’une étudiante de quatrième année que tu vois en cachette. Dis-moi qu’elle ne fait pas les mêmes bêtises que moi, qu’elle ne danse pas nue devant toi en chantant à tue-tête, persuadée que tu adores ça, qu’elle ne te réveille pas à l’aube pour aller courir et surtout pour s’assurer, le matin, tous les matins, que tu es encore là ! Dis-moi quelque chose !
    Elle leva les yeux. Elle s’était laissée aller et en avait honte. Je ne pus m’empêcher de penser à ce que j’avais jeté un soir à la face de ma mère, peu de temps après l’accident, l’accusant de ne pas s’être souciée de mon père. « Si tu l’avais aimé, tu l’aurais soutenu dans son travail. » Le regard qu’elle m’avait lancé, que je serais d’ailleurs incapable de décrire, me signifiait qu’elle n’avait jamais rien entendu de plus infâme.
    — Je t’aime, Katie, chuchotai-je en m’approchant pour qu’elle puisse enfouir son visage dans mon tee-shirt, s’y cacher un instant. Je suis vraiment désolé.
    Ce fut à ce moment-là, je crois, que le vent tourna. Lentement, cet état moribond, cette passion que je semblais porter dans mes gènes perdit son emprise sur moi. Le triangle s’effondrait. À sa place, deux étoiles jumelles, séparées par une distance infime, brillaient dans le ciel.
    Le silence qui suivit contenait tout ce qu’elle n’avait plus besoin de me dire, tout ce que je n’avais pas réussi à lui avouer.
    — Je vais prévenir Paul.
    Je ne pouvais rien déclarer de plus vrai, ni de meilleur. J’ajoutai :
    — J’arrête de travailler sur le livre.
    La Rédemption. Je ne me battrais plus. J’avais enfin trouvé le meilleur moyen d’être heureux. Katie le comprit. Elle fit alors ce qu’elle réservait pour plus tard, pour le moment où je serais vraiment monté dans le train. Elle m’embrassa. Et ce baiser, tel l’éclair qui, dans Frankenstein, redonne vie au monstre, scella nos retrouvailles.
    Je ne vis pas Paul cette nuit-là. Je lui fis part de ma décision le lendemain, à Dod Hall. Il ne parut pas surpris. J’avais tant souffert avec Colonna qu’il se doutait bien que je déclarerais forfait. Gil et Charlie réussirent à le convaincre que c’était pour le mieux. Il ne m’en voulut pas, pensant que je lui reviendrais. Qui sait ? Peut-être avait-il suffisamment progressé pour croire qu’il arriverait à bout du mystère sans mon aide ? Quand je justifiai ma décision en évoquant Jenny Harlow et la gravure d’Augustin Carrache, il sembla m’approuver. Il était évident qu’il connaissait Carrache mieux que moi, mais il eut la délicatesse de ne pas me corriger. Et même s’il avait plus de raisons que quiconque de penser que certaines interprétations sont plus justes que d’autres et que celles-là font toute la différence, il accueillit mes explications avec générosité, comme il l’avait toujours fait. Plus que du respect, c’était un gage d’amitié.
    — Il vaut mieux que l’objet de ton amour puisse t’aimer en retour,

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