La reine de Saba
bienvenue et te bénit, longue vie à toi, reine de Saba !
— Et
pourquoi n’est-il pas ici lui-même ?
Elle avait
posé la question en hébreu. Zacharias et Tamrin relevèrent la tête, béats.
A’hia, entortillé dans la barbe de son père et tâchant de s’en dégager pour
traduire les propos de Zacharias, marmonna, sidéré :
— Elle
sait notre langue !
— Aussi
bien que toi-même, répliqua platement Elihoreph. C’est moi qui la lui ai
enseignée.
— Alors,
s’impatienta Makéda, cachant sa fierté. Pourquoi n’y avait-il personne pour
m’attendre ? Pourquoi suis-je ici dans le désert telle une maraudeuse
poussant ses chèvres ? N’avez-vous pas de réponse ?
Mais si,
Zacharias en avait une. Les messagers n’étaient jamais revenus de Maryab. Le
roi Salomon avait été surpris d’apprendre qu’elle posait le pied à
Ezion-Guézert. Immédiatement, il s’était empressé de donner des ordres pour
l’accueillir avec la dignité qui convenait. Et plus encore, car il avait une
hâte immense de la voir. Lui-même, Zacharias, ainsi que Tamrin, devenu son ami,
avaient abondamment parlé d’elle au tout-puissant Salomon, excité sa curiosité,
et pas seulement pour le commerce qu’il était possible de réaliser entre Saba
et Juda et Israël.
Aussi,
dans la nuit, à la lumière des torches, on avait dressé une tente à l’entrée de
Bersabée pour la recevoir, elle, la reine de Saba. On y préparait un festin de réception, une fête magnifique, digne d’elle et du
roi de Juda et Israël.
— Salomon
t’y saluera, puissante reine. Il a ordonné que l’on prépare ses chars pour
galoper sans relâche et s’y trouver avant toi. Il a déclaré : « Je
n’ai pas de plus grand bonheur que de marcher vers la reine du Midi. » Il
l’a fait clamer dans tout le palais de Jérusalem. Il a deviné que tu avancerais
à travers le désert devant Bersabée et nous a envoyés à ta rencontre.
— De
quelle reine du Midi s’agit-il ?
Tamrin,
qui était resté à la dévorer du regard tandis que Zacharias parlait, sourit.
— C’est
ainsi que l’on te nomme ici, ma reine.
— Ah !
soupira Makéda, me voilà déjà avec plusieurs noms, selon la manie des
Hébreux !
Elle
ronchonnait, montrait un visage acariâtre et rien du soulagement et même du
plaisir qui chauffaient sa poitrine à les entendre et à les voir, si gourmands
de sa beauté et de sa présence.
Et si
Zacharias n’ajoutait pas trop d’inventions à la vérité, contrairement à ce
qu’elle avait songé, Salomon ne la méprisait pas. Lui aussi montrait un peu
d’impatience.
— Nous
partirons pour Bersabée quand nous serons prêts, lança-t-elle à Zacharias. Tu
peux prévenir ton maître. La reine de Saba s’annoncera devant sa tente.
*
**
C’est
ainsi que le peuple de Bersabée, juché sur les murs, pressé le long de la
route, debout sur les planches des charrois et jusque sur le bât des mules, les
vit se rencontrer.
Au milieu
du jour et sous la dureté du soleil, Salomon avait fait disposer, autour d’une
tente dressée tout devant l’enceinte de la ville, cent chars de combat sur deux
rangées.
Face au
sud, les attelages alternaient dans un ordre parfait chevaux blancs et chevaux
noirs. Les coques des chars étaient décorées du sceau de Salomon, un chandelier
à sept branches. La laque de ces coques de cèdre était si brillante qu’elle
renvoyait les reflets du soleil sur les murs de la cité. Les moyeux des roues
étaient prolongés de terribles lames de fer, si polies qu’elles semblaient
d’argent. Les conducteurs arboraient un casque de cuir à plumet rouge, tandis
que la cuirasse en écailles des archers était en partie recouverte d’un caftan
de soie verte, comme le bonnet de lin doublé de laine qui les coiffait.
Derrière
eux venaient les porteurs d’olifants et les tambours, en courtes tuniques
bleues, les sandales lacées de cuir jusqu’aux genoux. Et, encore derrière, un
cordon infranchissable de gardes s’alignait jusqu’à la porte de la ville, la
lance pointée au ciel, le bouclier posé sur le sol, et affichant cent fois le
sceau de Salomon.
Tous se
tinrent immobiles aussi longtemps que la route du sud demeura déserte.
Puis
soudain la poussière se leva. Une rumeur grave et rauque de trompes vibra dans
l’air déjà calciné. On distingua une caravane, lente, progressant d’un pas
mesuré.
Quand on
vit mieux, les yeux s’en éblouirent.
Montés sur
des
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