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La reine du Yangzi

La reine du Yangzi

Titel: La reine du Yangzi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Baudouin
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que de me mettre dans son lit.
    — Comme tous ceux qui te croisent.
    Elle le sait. Son incroyable pouvoir sur les hommes l’enchante et l’inquiète à la fois. Avec Ichirô, les choses sont différentes, elle l’aime. Mais avec ceux qu’il lui demande de rencontrer, c’est toujours le même constat : elle pourrait les emmener à l’autre bout du monde si elle le voulait. « Par quel mystère parvenez-vous à être une brune ténébreuse aussi solaire ? s’est exclamé un jour le consul britannique. Vous êtes un redoutable oxymore vivant ! » C’est une des rares fois où elle a rougi après un compliment. Elle sait que ses yeux très noirs, ses cheveux aile de corbeau, sa taille inhabituelle chez les femmes de Shanghai, sa démarche de reine fascinent d’autant plus les hommes que sa réputation de femme libre la précède de façon flatteuse.
    — Et qu’as-tu appris ? questionne Ichirô en commençant à la déshabiller.
    Laure adore mélanger préliminaires amoureux et compte rendu de mission, et le laisse déboutonner sa robe.
    — Cela t’intéressera peut-être que j’aie résisté vaillamment à ses diverses tentatives de m’emmener finir la soiréedans son lit. Nous nous sommes contentés de partager un dîner, délicieux par ailleurs, chez Dufresne, mais je crains qu’il n’insiste beaucoup pour parvenir à ses fins.
    — Il finira par se lasser. Tout dépend de toi.
    — Et de toi aussi, ne fais pas semblant de l’ignorer, Ichirô. Plus important : Morris m’a confirmé deux choses. D’une part, des mouvements ouvriers se mettent en place dans les usines contrôlées par les Américains et les Anglais, mais pas dans celles qui appartiennent à des entreprises chinoises.
    — Très intéressant. Cela pourrait signifier que la vieille impératrice n’a pas renoncé à chasser les étrangers de Chine et qu’elle pourrait susciter un nouveau moyen, des révoltes ouvrières par exemple comme en Europe, pour prendre sa revanche contre les puissances. Quoi d’autre ?
    — L’Empire russe s’alarmerait des ambitions territoriales du Japon en Mandchourie. Il considère que cette région fait partie de sa zone d’influence et soupçonne ton pays de s’y intéresser de trop près.
    — Et qui lui a dit cela ?
    — Le correspondant de son journal à Vladivostok, qui le tient lui-même d’un haut responsable russe. Il lui a envoyé une dépêche à ce propos, mais Morris ne l’a pas trouvée assez nourrie pour la publier. J’ai abondé dans son sens.
    — Bravo, Laure. C’est une information de première importance.
    — Merci, dit Laure en poussant son amant sur le lit et en pesant sur lui de tout son corps. Mais rappelle-toi une chose, Ichirô : je fais tout cela pour toi, pas pour le Japon. Ne l’oublie jamais.
     

 
     
     
     
     
     
     
    34.
     
     
     
    Le consul de France Émile Ratard a le visage des jours mauvais et des heures d’inquiétude. Il a convoqué en urgence tout le conseil municipal ainsi que les figures les plus importantes de la concession française. À l’intérieur du consulat, poêles et cheminées chauffent autant que possible les pièces de réception et les bureaux que le vent glacial du Huangpu vient fouetter par bourrasques. Ces jours de décembre 1905 sont les plus froids qu’on ait connus à Shanghai depuis longtemps et personne ne refuse la tasse de thé brûlant proposée par les domestiques. Émile Ratard parle d’une voix qui se veut ferme mais chacun devine sa préoccupation devant la tournure qu’ont pris les événements de la veille.
    — L’émeute a éclaté hier quand les habitants de la ville fortifiée ont voulu libérer les Chinoises qui venaient d’être jetées en prison sur ordre du tribunal mixte, explique-t-il. Comme nos policiers refusaient de les relâcher, ils sont entrés de force, ont sorti les femmes des cellules et ont mis le feu au poste de police ! Vous savez combien il est difficile de résister à une foule chinoise en colère si l’on ne dispose pas d’une troupe bien équipée. Et ce n’est pas le cas de nos braves policiers.
    — Ils n’y sont pour rien, la faute en incombeseulement au tribunal, intervient le président du conseil municipal. C’est une ânerie sans nom d’avoir envoyé ces femmes en prison pour des peccadilles !
    — J’en conviens, mais on ne peut pas revenir en arrière, reprend le consul, agacé. Maintenant, tous ces gens s’en prennent à nous et nous menacent très

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