La reine du Yangzi
sourire bienveillant de Laure qui est une invite à accepter, le regard ferme de Joseph qui l’encourage. Il a la sensation, d’un coup, d’être arrivé là où il devait aller sans le savoir et que le destin a choisi pour lui la route qu’il devait prendre. Il n’hésite plus, même si sa vie va en être bouleversée. N’est-ce pas ce qu’il attendait en réalité depuis si longtemps ?
— C’est un grand honneur que vous me faites, finit-il par dire. J’accepte, mais avec beaucoup d’humilité.
— Magnifique ! s’exclame Olympe. Une dernière chose, cependant, dit-elle en agitant une clochette.
Quelques secondes plus tard, M. Hu entre dans le salon portant un coffret de bois sculpté qu’il dépose entre les mains d’Olympe. Sur un geste de sa maîtresse, il en soulève avec précaution le couvercle cubique et dévoile, posé sur son socle gravé de caractères, un dragon de jade magnifiquement sculpté entouré d’un cordon de soie jaune.
— C’est le grand sceau impérial de l’empereur Xianfeng, explique Olympe. Charles l’a emporté jadis lors du sac du palais d’Été en 1860 et a réussi à le conserver contre vents et marées. Depuis, c’est le trésor des Esparnac et il m’a demandé de le transmettre, le moment venu, à ses héritiers.
Elle s’interrompt, beaucoup plus émue qu’elle ne l’imaginait, et prend le sceau dans ses mains pour le tendre à Chang.
— Ce moment est arrivé, dit-elle, et puisque vous êtes l’aîné des héritiers de Charles, je vous confie, conformément à sa volonté, cet objet unique dont je sais qu’il est sacré pour un Chinois. Soyez-en digne, en souvenir de lui. Et un peu de moi, si vous le pouvez, lorsque je ne serai plus de ce monde.
Bouleversé, Zhu Chang voudrait la prendre dans ses bras mais il n’ose pas. S’inclinant profondément commeil le ferait devant le plus respecté des mandarins, il dit seulement :
— Vous serez toujours de ce monde, Olympe. Parce que vous êtes la légende de Shanghai et qu’un jour quelqu’un racontera votre histoire.
Note de l’auteur
Les personnages des deux volumes de Shanghai Club sont nés de la seule imagination de l’auteur, à l’exception naturellement de figures historiques chinoises telles que Sun Yat-sen, Chen Duxiu ou Hiang Jinrong. Certains protagonistes, comme Joseph Liu, exemple de compradors chrétiens de Shanghai, sont librement inspirés de personnages qui ont réellement existé.
L’histoire de Shanghai depuis l’arrivée des premiers Anglais en 1843 et le caractère exceptionnel de cette ville-monde ont été abondamment traités par de nombreux historiens, universitaires ou romanciers. Bien qu’il ne soit pas d’usage, dans le cadre d’un roman, d’indiquer de repères bibliographiques, l’auteur souhaite signaler ici au lecteur intéressé quelques-uns des ouvrages qui, outre ses sources personnelles, lui ont été utiles au cours de ses recherches : Histoire de la Concession française de Shanghai , Charles Maybon et Jean Fredet (Plon) ; Les Français de Shanghai, 1849-1949 , Guy Brossolet (Belin) ; Shanghai, le Paris de l’Orient , Bernard Brizay (Pygmalion) ; Histoire des diplomates et consuls français en Chine, 1840-1912 (Les Indes savantes) ; Atlas de Shanghai , Christian Henriot et Zheng Zu’an (CNRS Éditions) ; Les Zhu, chronique d’une illustre famille de Shanghai , Zhu Yi-sheng (Éditions Rive droite) ;
Weitere Kostenlose Bücher