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La reine du Yangzi

La reine du Yangzi

Titel: La reine du Yangzi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Baudouin
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le nez cassé de Louis crée la stupeur.
    — Que s’est-il passé ? Tu t’es battu ? s’alarme Olympe en découvrant l’état de son fils.
    — Non, un Anglais lui a mis son poing dans la figure quand il a voulu l’arrêter de taper sur un coolie, répond Marc avant que Louis ait pu s’expliquer.
    — Pourquoi t’en es-tu mêlé ?
    Rétrospectivement, elle s’inquiète pour ce grand jeune homme si soigneux de sa personne dont elle n’aurait pasimaginé qu’il puisse un jour voler au secours d’un malheureux Chinois. Louis la regarde avec étonnement.
    — Tu aurais préféré que je le laisse crever sans rien faire ? questionne-t-il avec rudesse.
    — Non, évidemment. Mais cela aurait pu se terminer plus mal pour toi. Je connais les Anglais. Ce sont des brutes, parfois, ils se croient tout permis et ils n’aiment pas ceux qui se mettent en travers de leur chemin. Tu souffres ? demande-t-elle encore, en caressant tendrement sa joue.
    Le geste de recul de Louis et le regard glacial qu’il lui jette soudain la transpercent.
    — Mme Hu va te soigner si tu veux, propose-t-elle.
    Désarçonnée par l’hostilité inattendue de son fils, Olympe ne sait plus quoi dire. Depuis quelques semaines, Louis se montre distant. Il évite de lui adresser la parole, ne répond que par monosyllabes à ses questions, et fuit son regard. À plusieurs reprises, elle l’a surpris en conciliabule avec sa sœur mais dès qu’elle a voulu savoir de quoi ils discutaient, ils ont baissé les yeux et se sont fermés comme des huîtres avant de filer dans leur chambre. Le soir, quand elle dîne avec eux, Louis participe à peine à la conversation et seule Laure semble prendre plaisir à parler avec leur mère.
    — Maman, nous allons partir une vingtaine de jours, Marc et moi, annonce-t-il sans prévenir.
    Olympe tombe des nues.
    — Quoi ? Tu viens de risquer ta peau et tu ne trouves rien de mieux que de partir à l’aventure ! Et pour aller où, je peux le savoir ?
    C’est Marc, à nouveau, qui répond à la place de Louis.
    — À Hangzhou. La famille de ma mère vit là-bas depuis l’époque des Song et j’ai proposé à Louis de venir avecmoi leur rendre visite. Papa est d’accord pour que nous y allions tous les deux.
    — Tu veux dire que je n’ai qu’à m’incliner ? proteste Olympe. Et comment comptez-vous vous rendre là-bas ?
    — À cheval, répond Louis.
    — Et allez donc ! Êtes-vous inconscients ? Croyez-vous que je vais vous autoriser à partir alors que les Blancs risquent leur tête dès qu’ils sortent des villes ?
    — La route est sûre, Tante Olympe, plaide Marc. Et moi je suis Chinois. Nous ne risquons rien, je te l’assure. Faire le chemin à cheval est le meilleur moyen pour Louis de connaître la province du Zhejiang, de voir la vraie Chine.
    — Parce que ce n’est pas la vraie Chine, ici ?
    — Non, maman, et tu le sais très bien, répond Louis.
    — Et moi, pourquoi ne me proposes-tu pas de venir avec vous si ce n’est pas dangereux ? interrompt Laure que personne n’a entendue arriver.
    Elle se tient debout à l’entrée du salon, droite dans la tunique de soie dont les motifs – des oiseaux et des fleurs multicolores – ont été brodés par Mme Hu pour son anniversaire. Sur son visage, un air de défi qui ne plaît pas du tout à sa mère.
    — Parce qu’il n’en est pas question, répond Olympe. Ce n’est ni à ton frère ni à Marc de décider mais à moi, et la réponse est non. Quant à vous deux, je ne sais pas encore si je suis d’accord.
    Louis se rapproche d’elle. Il a encore grandi et la dépasse maintenant d’une trentaine de centimètres.
    — Oncle Joseph a déjà dit oui, maman, dit-il de sa voix rauque qui hésite encore entre les aigus et les graves.
    — Ce n’est pas lui qui décide pour moi, Louis.
    — Si tu refuses que j’accompagne Marc, j’irai quand même, réplique-t-il. Et tu ne pourras pas m’en empêcher.
    Olympe explose instantanément de colère.
    — Pour qui te prends-tu ? Pour un adulte qui peut faire ce qu’il lui plaît parce qu’il a trois poils sur le menton ? Il te faudra attendre encore un peu, mon bonhomme. Et, en attendant, tu es prié de m’obéir. Si je ne veux pas que tu ailles à Hangzhou, tu n’iras pas à Hangzhou.
    — T’obéir ? M’empêcher de faire ce que je veux ? De quel droit ? Tu fais bien ce que tu veux, toi !
    Horrifiée par les mots que son fils vient de lui jeter à la figure,

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