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La reine du Yangzi

La reine du Yangzi

Titel: La reine du Yangzi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Baudouin
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elle s’écarte, défigurée par le chagrin.
    — Tout ça est de ta faute ! s’écrie-t-elle. À cause de toi, je ne reverrai plus jamais mon frère ! Tu nous sacrifies à un homme qu’on ne connaît même pas.
    Bouleversée par les accusations de sa fille, Olympe n’a aucun geste pour la retenir quand elle s’enfuit dans sa chambre. De la salle à manger où il l’attend pour dîner, Patrick a tout entendu. Une fois de plus, elle espère que le drame qu’ils sont en train de vivre ne va pas le faire fuir, lui aussi.
    — Louis est aussi entêté que son père, dit-elle en s’asseyant à côté de lui, et je doute qu’il revienne ici avant longtemps. Même s’il souffre probablement de ne plus voir sa sœur, ou sa mère, ce qu’il n’avouera jamais.
    Aussi malheureuse que Laure, elle s’efforce de rester pour Patrick la femme enjouée et aimante qu’elle était avant sa dispute avec Louis. Après avoir perdu son fils, elleveut tout faire pour garder l’homme qui veut encore d’elle. Un moment, elle a craint que, se sentant coupable de la rupture entre Olympe et Louis, il ne renonce à elle et ne la quitte. Mais l’esclandre de Louis l’a rendu encore plus amoureux, comme s’il voulait se faire pardonner d’être à l’origine de toute cette histoire, et il se montre plus prévenant que jamais. Presque chaque nuit, il reste dormir au Trianon et, sans abandonner son petit appartement de Huangpu Road, à deux pas du consulat américain, il laisse chez Olympe des vêtements, des effets de toilette, des livres, quelques objets auxquels il tient. Une sorte d’emménagement qui ne dit pas son nom, doux et discret qui, nuit après nuit, rassure Olympe sur la réalité des sentiments de son amant. Pour ne pas choquer Laure ni Mme Hu, ils dorment dans sa chambre et non dans celle où elle a vécu avec Charles, sanctuaire resté inviolé depuis sa mort. Dans la journée, chacun à leurs affaires, ils se croisent parfois à la banque ou dans une rue, mais le soir, plutôt que de se rendre au Shanghai Club comme beaucoup d’autres Shanghailanders, Patrick O’Neill rejoint Olympe sur le Bund et rentre avec elle à pied ou en fiacre selon leur humeur jusqu’à la rue Discry. Et plus personne à Shanghai n’ignore désormais que la Reine du Yangzi partage sa vie avec le captain O’Neill.
    — Cette fâcherie avec Louis ne peut plus durer, dit-elle en lui prenant la main, ce soir-là.
    — Que comptes-tu faire s’il est aussi buté que tu le dis ?
    — Aller le voir chez Joseph et lui demander de me pardonner.
    — Désolé de mêler de ce qui ne me regarde pas : ce n’est pas à toi de le faire, c’est à lui.
    — Sans doute, mais je n’y compte pas. Et si nous voulons qu’il revienne dans cette maison, ne serait-ce que pour retrouver sa sœur, c’est le seul moyen.
    —S’il revient, je devrai partir. C’est lui ou moi.
    Olympe lâche sa main, désemparée.
    — Ne dis pas cela, Patrick !
    — Jamais ton fils ne m’acceptera sous votre toit, tu le sais très bien.
    — Ne me demande pas de choisir. Comment exiger qu’une mère choisisse entre son fils et son amant ? C’est cruel. De toute façon, je m’y refuse. J’irai voir Louis et lui expliquerai sereinement que nous avons décidé de vivre ensemble et qu’il n’a pas à s’y opposer. Joseph a déjà dû lui dire qu’il a eu tort et qu’il doit me laisser mener mon existence comme je l’entends avec toi, dans ma maison, et que cela n’insulte pas la mémoire de son père. Louis ne t’aime pas, Patrick, et jamais je ne lui demanderai de t’aimer. Mais qu’il t’accepte parce que je le veux, ça, oui, je peux l’exiger de lui. Demain, j’irai le chercher chez les Liu et m’expliquer avec lui. En attendant, ressers-moi de ce délicieux vin. Ces histoires m’épuisent et ce soir je veux les oublier.
     
    *
     
    Le visage de Joseph Liu n’a jamais été plus catastrophé, même aux pires moments de la Compagnie du Yangzi. Ses yeux brillent d’une fièvre inquiète et ses mains tremblent un peu sans qu’il puisse les contrôler.
    — Louis n’est plus ici, Olympe, avoue-t-il. Il est parti. Je n’ai pas pu le retenir.
    Debout dans le grand salon chinois de son associé, Olympe croit avoir mal entendu. Elle vient d’arriver chez lui, décidée à pardonner à Louis et à lui demander de rentrer à la maison.
    — Comment ? Louis n’est plus ici ? Où est-il ? Répondez-moi, Joseph, exige-t-elle en l’agrippant

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