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La reine du Yangzi

La reine du Yangzi

Titel: La reine du Yangzi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Baudouin
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par les Blancs et dévoré des yeux par la fille de sa meilleure amie, se prend à rêver au couple merveilleux qu’ils feraient, à ces enfantsmagnifiques qui en seraient le fruit, à cette jonction des âmes et des sangs qui permettrait enfin aux deux mondes de se comprendre et de se respecter. Puisqu’un Han est capable d’aimer l’Occident à travers sa musique, son trésor le plus impalpable, pourquoi les Blancs ne pourraient-il pas reconnaître la Chine dans ce qu’elle a de plus spirituel, ses rites et son histoire ?
     
    *
     
    La curiosité est trop forte. Chang veut voir la fête de près, lui aussi, et il a de bonnes raisons pour cela. Un peu comme une récompense qu’il s’octroie à lui-même. Quelques mois auparavant, il a magnifiquement réussi la mission que la Tan Di Hui lui a confiée : inciter les pousseurs de brouettes de Shanghai à la révolte. Taillables et corvéables à merci, les pousseurs de brouettes transportent tout ce que les concessions réclament jour et nuit pour satisfaire leurs immenses besoins, à commencer par les produits frais venus des campagnes. Quelques sapèques pour tout paiement, des coups et des injures quand ils arrivent en retard ont fini par provoquer la colère de leur corporation. Pour la Tan Di Hui, leur révolte constituait un bon début, une façon très claire de montrer aux étrangers qu’ils ne pouvaient plus dormir tout à fait tranquilles.
    Chang s’est mis au travail avec enthousiasme. Il a identifié les chefs de la corporation, les a aidés à formuler leurs revendications et à organiser le mouvement de protestation. Quand le Municipal Council a voulu leur imposer de nouvelles taxes, la montée de colère des pousseurs de brouettes, parfaitement canalisée par lui, s’est transformée en révolte, la première du genre à Shanghai, et a paralysé la ville. Pendant ces quelques jours exaltants, Chang a pu constater l’importance du rapport de forceprévu par Oncle Liu : après quelques jours de blocage complet, les pousseurs de brouettes ont obtenu satisfaction et une augmentation substantielle de leur salaire. Les Longs Nez ont cédé. Et, lors de la dernière réunion de la Tan Di Hui, Chang a été chaudement félicité par celui-là même qui ne le trouvait pas assez han.
    Dans Nanshi, la ville chinoise, il est impossible d’ignorer qu’un grand bal va se donner chez les Esparnac. La famille est connue et respectée depuis des lustres. Non seulement en raison des exploits du mythique Charles, mais aussi pour l’aide qu’Olympe apporte aux orphelins de la ville ou, plus récemment, parce que le fils, Louis, a voulu empêcher un Anglais de battre à mort un coolie. Personne n’ignore non plus que Liu Pu-zhai, aussi vénéré que craint, est le comprador des Esparnac, et que s’ils aiment à ce point la Chine, c’est un peu grâce à lui. Parmi les Chinois fortunés comme chez ceux de la rue, le Trianon et ce qui s’y déroule tient lieu de chronique mondaine sur la vie des Longs Nez, de l’autre côté des murailles. L’annonce de la fête des dix-huit ans de Laure Esparnac a fait le tour de la ville. On la dit très belle et très rebelle, grande et mystérieuse comme son père, et, depuis des jours, Chang rêve de se joindre aux centaines de Chinois de Nanshi qui vont se rendre rue Discry le soir de la fête pour assister à l’arrivée des invités.
    Longtemps, il a résisté à la curiosité de voir la célèbre demeure de son père, où vivent toujours son demi-frère et sa demi-sœur. Longtemps il a rêvé d’eux, de les rencontrer, de leur parler. Depuis la mort de sa mère, ils sont sa seule famille, avec l’Oncle Liu. Mais celui-ci l’a toujours dissuadé de chercher à les connaître pour éviter un drame avec Olympe et ses enfants. Résigné, il a accepté de se taire, de se cacher, de rester un parfait inconnu pour celui et celle qui portent le même sang que lui. Mais cesoir, l’occasion est trop belle : on dit que le Trianon sera ouvert à tous les vents pour permettre aux invités de s’ébattre dans le parc et l’on affirme aussi qu’Olympe Esparnac a prévu de distribuer boissons et gâteaux à tous ceux qui seraient dans la rue.
    Chang décide d’aller sur place, dans l’espoir de les apercevoir, même de loin, et de constater s’il ressemble à son frère et à sa sœur. Il a conscience de la puérilité de son geste, lui qui, à l’instar du docteur Sun Yat-sen, s’est juré de chasser les

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