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La Reine étranglée

La Reine étranglée

Titel: La Reine étranglée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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et allait attaquer la citadelle suivante. Cela lui réussissait
parfois.
    — Mon frère, dit d’Évreux,
croyez-vous donc la chose si aisée, dans la situation où se trouve Louis, et
s’il ne veut pas prendre femme qui soit indigne d’un trône ?
    — Allons donc ! Je vous
nomme dix princesses en Europe qui passeraient sur de plus grandes difficultés
pour l’espoir de ceindre la couronne de France… Tenez, sans chercher davantage,
ma nièce Clémence de Hongrie… dit Valois comme si l’idée venait de germer en
lui alors qu’il la mûrissait depuis une bonne semaine.
    Il attendit que sa proposition ait
produit effet. Le Hutin avait relevé la tête, intéressé.
    — Elle est de notre sang
puisqu’elle est Anjou, poursuivit Valois. Son père, Carlo-Martello, qui avait
renoncé au trône de Naples-Sicile pour revendiquer celui de Hongrie, est mort
depuis longtemps ; c’est sans doute pourquoi elle n’a pas encore d’état.
Mais son frère Caroberto règne maintenant en Hongrie et son oncle est roi de
Naples. Certes, elle a un peu dépassé l’âge ordinaire du mariage…
    — Quel âge a-t-elle ?
demanda Louis X inquiet.
    — Vingt-deux ans. Mais cela ne
vaut-il pas mieux que ces fillettes qu’on amène à l’autel alors qu’elles jouent
encore à la poupée et qui, lorsqu’elles grandissent, se révèlent pleines de
vilenie, mensongères et débauchées ? Et puis, mon neveu, vous n’en serez
plus à vos premières noces !
    « Tout cela sonne trop
bien ; il doit y avoir un vice qu’on me cache, pensait le Hutin. Cette
Clémence doit être borgne, ou bien bossue. »
    — Et comment se
présente-t-elle… pour la figure ? demanda-t-il.
    — Mon neveu, c’est la plus
belle femme de Naples, et les peintres, m’assure-t-on, s’efforcent d’imiter ses
traits lorsqu’ils peignent aux églises le visage de la Vierge. Déjà dans son
enfance, il m’en souvient, elle promettait d’être remarquable en beauté, et
tout laisse à penser qu’elle a tenu promesse.
    — Il paraît, en effet, qu’elle
est fort belle, dit Louis d’Évreux.
    — Et vertueuse, ajouta Valois.
J’attends qu’on retrouve en elle toutes les qualités qui ornaient sa tante
Marguerite d’Anjou, ma première femme, que Dieu garde. J’ajouterai… mais qui de
vous l’ignore ?… qu’un autre de ses oncles, et mien beau-frère, Louis
d’Anjou, fut ce saint évêque de Toulouse qui avait renoncé à régner pour entrer
en religion, et dont la tombe à présent produit des miracles.
    — Ainsi nous aurons bientôt
deux saints Louis dans la famille, remarqua Robert d’Artois.
    — Mon oncle, votre idée est
heureuse, cela me semble, dit Louis X. Fille de roi, sœur de roi, nièce de
roi et de saint, belle et vertueuse… Ah ! Elle n’est point brune au moins,
comme la bourguignonne ? Car alors je ne pourrais point !
    — Non, non, mon neveu,
s’empressa de répondre Valois. Soyez sans crainte ; elle est blonde, de
bonne race franque.
    — Et vous pensez, Charles, que
cette famille, pieuse ainsi que vous la décrivez, irait consentir aux
fiançailles avant l’annulation ? demanda Louis d’Évreux.
    Monseigneur de Valois se gonfla,
torse et panse.
    — Je suis trop bon allié de mes
parents de Naples pour qu’ils aient rien à me refuser, répliqua-t-il ; et
les deux entreprises peuvent se conduire de pair. La reine Marie, qui a jadis
tenu à honneur de me donner une de ses filles, m’accordera bien sa petite-fille
pour le plus cher de mes neveux, et pour qu’elle soit reine au plus beau
royaume du monde. J’en fais mon affaire.
    — Alors ne laissons pas d’agir,
mon oncle, dit Louis X. Envoyons une ambassade à Naples. Qu’en
pensez-vous, Robert ?
    Robert d’Artois s’avança d’un pas,
paumes ouvertes, comme s’il se proposait à partir sur-le-champ pour l’Italie.
    Le comte d’Évreux intervint encore.
Il n’avait aucune hostilité au projet ; mais pareille décision était
affaire de royaume autant que de famille, et il demandait qu’elle soit débattue
en Conseil.
    — Mathieu, dit aussitôt
Louis X s’adressant à son chambellan, faites savoir à Marigny qu’il ait à
convoquer le Conseil demain matin.
    À s’écouter prononcer ces paroles,
le Hutin éprouva un certain plaisir ; brusquement il se sentait roi.
    — Pourquoi Marigny ? dit
Valois. Je puis bien, si vous le souhaitez, m’en charger moi-même ou en charger
mon chancelier. Marigny cumule trop de

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