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La Reine étranglée

La Reine étranglée

Titel: La Reine étranglée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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concernant l’émission des monnaies, ce qui
nous tenait fort à cœur, ni aucune non plus rétablissant le droit de guerre
privée. Marigny y fait obstacle.
    — Et qu’avez-vous à proposer
pour venir à bout de ce sanglier puant ? s’écria Robert d’Artois. Nous y
sommes aussi attachés que vous, croyez-le, et si vous pouvez avancer une idée
meilleure que les nôtres, elle sera bienvenue. C’est une chasse où nous avons
besoin de chiens de relais.
    Tolomei lissa les plis de sa robe,
croisa les mains sur son ventre.
    — Messeigneurs, je ne suis pas
chasseur, répondit-il, mais je suis Toscan de naissance, et je sais que, quand
on ne peut abattre son ennemi de face, il faut l’attaquer de profil. Vous vous
êtes portés trop franchement au combat. Cessez donc d’accuser Marigny et de
répandre partout qu’il est un voleur, puisque le roi a certifié qu’il ne
l’était point. Paraissez pour un temps accepter qu’il gouverne ; feignez
même de vous réconcilier avec lui ; et puis, par-derrière, faites enquêter
dans les provinces. N’en chargez point les officiers royaux, car ils sont les
créatures de Marigny, et justement ceux qu’il vous faut viser. Mais dites aux
nobles, grands et petits, sur qui vous avez influence, de vous instruire des
agissements des prévôts. En bien des lieux, la moitié seulement des tailles
perçues parvient au Trésor. Ce qu’on ne prend point en argent, on le prend en
vivres que l’on revend à prix prohibés. Faites enquêter, vous dis-je ; et
d’autre part obtenez du roi qu’il convoque tous les prévôts, receveurs et
commis de finances afin que leurs livres soient examinés. Par qui ? Par
Marigny, assisté bien sûr des barons et des conseillers aux comptes. Et en même
temps vous produirez vos enquêteurs. Alors je vous dis qu’il apparaîtra de telles
malversations, et si monstrueuses, que vous pourrez sans peine en rejeter la
faute sur Marigny, et sans plus vous soucier de savoir s’il est innocent ou
coupable. Ce faisant, Monseigneur Charles, vous aurez les nobles pour vous, qui
rechignent à voir sur leurs fiefs les sergents de Marigny se mêler à
tout ; et vous aurez aussi le bas peuple qui crève de famine et cherche
des responsables à sa misère. Voilà, Messeigneurs, le conseil que je m’autorise
à vous donner, et celui que je porterais au roi si j’étais en votre position…
Sachez de surcroît que nos compagnies lombardes, qui tiennent comptoir en de
nombreux endroits, peuvent si vous le souhaitez aider à votre enquête.
    Valois réfléchit quelques instants.
    — Le difficile, dit-il, sera de
décider le roi, car il est pour l’heure tout entiché de Marigny et de son frère
l’archevêque, dont il attend un pape.
    — En ce qui regarde
l’archevêque, ne vous inquiétez pas, répliqua le banquier. Je dispose à son
usage d’une muselière dont je me suis déjà servi une fois, et que je lui
repasserai au nez le moment venu.
    Lorsque Tolomei fut sorti, d’Artois
dit à Valois :
    — Ce bonhomme-là décidément est
plus fort que nous.
    — Plus fort… plus fort…
répondit Valois. C’est-à-dire qu’il nous précise dans son langage de marchand
les choses que nous pensions déjà.
    Mais il s’empressa, dès le
lendemain, de se conformer aux instructions du capitaine général des Lombards,
lequel pour une garantie de dix mille livres donnée à ses confrères italiens,
s’était offert le luxe de diriger la France.
    Un bon mois d’insistance fut
nécessaire à Monseigneur de Valois pour convaincre le roi. En vain Valois
répétait à son neveu :
    — Rappelez-vous les derniers
mots de votre père. Rappelez-vous comme il vous a dit : « Louis,
sachez au plus tôt l’état de votre royaume. » Eh bien, c’est en convoquant
tous les prévôts et receveurs que vous connaîtrez cet état. Et notre saint
aïeul dont vous portez le nom vous montre l’exemple en cela aussi. Il ordonna
une grande enquête de la sorte, l’an 1247…
    Or Marigny n’était pas hostile au
principe d’une telle réunion ; il y voyait l’occasion de reprendre en main
les agents royaux. Car lui aussi constatait des relâchements dans
l’administration. Mais il estimait sage de surseoir à la convocation ; il
affirmait que le moment était mal choisi, alors que la misère aigrissait le
peuple et que les ligues de barons s’agitaient, pour éloigner de leurs
résidences, d’un seul coup, tous les officiers du roi.
    Il était

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