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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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marieraient un jour, peut-être. Ce fait ne l’émouvait pas et elle ne s’en inquiétait nullement, car c’était l’affaire d’un très lointain futur. Il ne lui semblait pas qu’ils étaient amoureux. Il ne lui semblait pas que Carla le voulait, car elle n’en avait rien dit. Amparo l’avait vue tressaillir sous son baiser dans le jardin de l’auberge. Et si Carla ne parlait jamais de telles choses, que pouvait-elle donc bien en savoir ? Son découragement ne devait provenir que du garçon, raisonna Amparo, et, le cœur plus léger, elle ne pensa plus à tout cela.
    « Holà ! »
    Elle se retourna vers la voix, mais sans s’alarmer, même si son propriétaire était arrivé sans un bruit. C’était le gamin, plutôt, qui semblait surpris d’être tombé sur elle. Son visage était maigre et doux et imberbe, ses traits d’adulte pas encore pleinement dessinés. Mais il était presque aussi grand, sinon aussi carré, que la plupart des Maltais. Ses cheveux étaient collés de terre et il portait un justaucorps de cuir grossièrement clouté de cuivre. Ses braies étaient en haillons et retenues par une corde, et ses pieds calleux et nus. Un couteau de boucher était passé dans sa ceinture de corde. Un homme enfant. Elle le reconnut du premier jour sur les quais. Il était apparu couvert de sang séché et le vieux marionnettiste avait dansé une folle gigue pour lui. Elle le regarda sans rien dire. Il avança en traînant les pieds pour reprendre ses esprits.
    « Vous parlez le français ? » demanda-t-il dans cette langue, et puis en espagnol : « Espagnol ? »
    Elle hocha la tête et sans doute comprit-il qu’elle voulait dire les deux, car il continua à parler dans un patois composé d’un peu de chaque. « Vous êtes blessée ? » demanda-t-il en voyant comment elle serrait ses genoux avec ses bras.
    Elle fit non de la tête. Il examina l’étendue du quai, d’un côté à l’autre.
    « C’est pas un bon endroit pour vous, dit-il. C’est dangereux, pour une fille. »
    Amparo désigna le ciel et il leva les yeux. Pendant un moment, elle pensa qu’il devait trouver cela inepte, mais quand il la regarda à nouveau, il hocha la tête comme si ce qu’elle voulait dire était d’une clarté absolue.
    « Les étoiles, oui. » Il gonfla sa poitrine et pointa l’index vers le firmament. « La Vierge. La Grande Ourse. La Petite Ourse. » Il lui jeta un coup d’œil pour voir si cela l’impressionnait. « Mais c’est dangereux ici. Les soldats. Les  tercios.  » Il s’arrêta, comme s’il avait évoqué quelque chose d’inconvenant. Il l’étudiait, poings sur les hanches, comme si cet endroit était son domaine. Il dit : « Vous avez froid. »
    Sans attendre de réponse, il partit en courant et disparut, ses pieds claquant sur les pavés jusqu’à ce que le silence revienne. Elle se demanda si Tannhauser était revenu. Elle allait se lever pour retourner voir à l’auberge quand les pas revinrent et le garçon réapparut avec un morceau de tissu élimé dont la fonction première était obscure mais qui maintenant lui servait, semblait-il, de couverture car il le drapa sur les épaules d’Amparo pour l’en entourer. Le tissu sentait la saumure. Elle en prit un coin et se serra dedans.
    « Tu es gentil », dit-elle.
    Il haussa les épaules. « Je vous ai vue. Avec l’Allemand.
    – L’Allemand ?
    – Le grand. » Il bomba la poitrine et posa une main sur la poignée de son couteau, mimant une démarche virile. « Le grand capitaine, Tannhauser. Il espionne les Turcs pour La Valette. Il se déplace parmi eux comme le vent. Il tranche leurs gorges pendant qu’ils dorment. »
    Cette vision des activités de Tannhauser la dérangea. Elle n’y croyait pas.
    « Et l’autre, l’Anglais comme un taureau, continua le garçon. Et la belle dame 1 . Vous êtes venue avec eux sur la Couronne , quand on a vu les navires de guerre des infidèles la première fois. Oui ? »
    Amparo se souvint de la manière dont il avait regardé Tannhauser et comment les yeux du garçon avaient croisé les siens, et comment en eux elle avait vu le spectre de la vie qu’elle avait laissée loin derrière elle. Elle le voyait à nouveau, dans son honnêteté sans fard, dans sa fierté poignante et désespérée. Elle acquiesça.
    « Je t’ai vu aussi, avec le vieux marionnettiste.
    – Le  karagozi  », corrigea le garçon, et il eut l’air

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