La Religion
Amparo était troublée. « Comment sais-tu ce que fait Tannhauser ?
– Au poste de Castille, les hommes parlent de lui, dit-il comme pour laisser entendre qu’il fallait le compter parmi leurs membres. Los soldados particular . Même les chevaliers le considèrent. La porte de La Valette est ouverte à Tannhauser comme à nul autre. Seul Tannhauser ose sortir au milieu des ennemis. » Comme s’il avait remarqué sa détresse, il ajouta : « N’ayez pas peur pour le capitaine Tannhauser. Ils disent qu’il ne mourra jamais. Tannhauser connaît le Turc. Tannhauser connaît le sultan Soliman lui-même. Et peut-être bien le diable aussi. Mais dites-moi, est-ce la belle dame qui vous a mise dehors ? Qu’est-ce que vous avez fait ?
– On ne m’a pas mise dehors, dit-elle. Je vis à l’auberge d’Angleterre. »
Il l’étudia avec des yeux neufs, et avec l’ombre d’une crainte respectueuse. « Alors pourquoi vous êtes ici ?
– Je suis venue pour la paix.
– La paix ? » L’idée parut le stupéfier. Il se redressa. « Je vais vous escorter jusqu’à l’auberge. C’est la maison de Starkey, le dernier des Anglais. Je le connais bien, très bien, oui. »
Il se remit sur pied. Il semblait si enclin à la galanterie qu’Amparo ne pouvait refuser. Elle se leva aussi. Elle ôta la couverture de ses épaules et la lui rendit. Il la prit, comme s’il considérait maintenant que c’était une offense d’avoir offert un tel haillon à une femme visiblement de si grande condition. Il la roula et la fourra dans le tas de poutres. Il remarqua le cylindre de cuir suspendu à son cou.
« Qu’est-ce que c’est ? » demanda-t-il.
Amparo fit glisser le cylindre sous son bras. « C’est une curiosité », dit-elle. Il se renfrogna en comprenant que c’était tout ce qu’elle lui laisserait savoir. Elle lui demanda son nom.
« Orlandu », dit-il. Il ajouta : « Quand je partirai pour voir le vaste, vaste monde, et que je deviendrai une personne de qualité et un homme d’honneur, je serai Orlandu di Borgo.
– Pourquoi vis-tu ici, sur les quais ? demanda-t-elle.
– Ici, je suis libre.
– Où est ta famille ?
– Ma famille ? » La lèvre d’Orlandu se retroussa. Il fit un bref geste du tranchant de la main, comme frappant avec une hache. « J’ai coupé avec eux, dit-il. Ce ne sont pas des gens bien. »
Elle aurait aimé en apprendre plus, mais son expression suggérait qu’il ne dirait rien, et que c’était un sujet douloureux pour lui.
« Et votre nom ? dit-il.
– Amparo. »
Il sourit. « Très joli. Espagnole, donc. Êtes-vous une noble, comme la belle dame ? »
Elle fit non de la tête et son sourire s’élargit, comme si cela les liait encore un peu plus. Elle se demanda s’il la désirait, et, ce faisant, sut qu’il n’en était rien. Il voulait être un homme, avec un désespoir si palpable que cela lui faisait mal à elle aussi, mais il était encore trop près du garçon pour connaître le vrai désir. En un éclair, elle se demanda aussi s’il n’était pas le fils de Carla.
« Tu rencontreras Tannhauser à son retour, annonça-t-elle. Je lui dirai que tu es un galant homme, qui m’a protégée des tercios , et que cela te ferait plaisir de lui serrer la main. »
Orlandu ouvrit des yeux ahuris.
« Cela te ferait plaisir ? demanda-t-elle.
– Oh, vraiment, dit Orlandu, vraiment à la vérité. » Il se frotta les cheveux comme s’il se peignait déjà pour cette occasion. « Quand ?
– Je lui parlerai demain », dit-elle.
Orlandu saisit sa main et l’embrassa. Personne n’avait jamais fait cela auparavant.
« Maintenant venez, dit-il. Laissez-moi vous raccompagner chez vous, avant que la lune descende. »
Amparo espérait que c’était le garçon que Carla cherchait. Elle aimait son cœur. Et si ce n’était pas le garçon, elle se demanda s’ils ne pourraient pas faire croire qu’il l’était tout de même.
1 . En français dans le texte.
VENDREDI 8 JUIN 1565
L’auberge d’Angleterre – Les Terres étrangères
– Le château Saint-Ange
« Allahu Akabar ! Dieu est le plus grand ! Allahu Akabar !
Je porte témoignage qu’il n’est d’autre dieu qu’Allah.
Je porte témoignage que Mahomet est le prophète d’Allah.
Venez à la prière !
Venez à la prière !
Venez à la prière !
Venez à la prière !
Allahu Akabar !
Il n’est d’autre
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