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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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aussi dénués de pitié que tous ceux que Tannhauser avait vus. Le terrain en face d’eux était plat comme un parquet de danse, tacheté de touffes d’herbe parcheminée et sans rocher ni bosquet en vue pour faire obstacle à leur promenade.
    Ils s’alignèrent en triangle, en profondeur, avec Lugny et Escobar de Corro en leur centre, et de quelque part dans le lointain parvint l’écho fantomatique et funèbre d’un chant :
     
    Allahu Akabar
    Allahu Akabar
    Allahu Akabar.
    Lugny leva sa lance et les chevaliers se mirent en marche et prirent de la vitesse. Contrairement à l’ennemi qui montait des chevaux arabes et barbes, courts et légers, les chevaliers montaient d’énormes bêtes, mélanges de races nord-européennes et andalouses, élevées pour leur force capable de porter deux cents livres en chargeant et entraînées pour être aussi assoiffées de sang que leurs maîtres. Tannhauser se tenait sur le rivage et caressait la tête de Buraq en les regardant partir. Il avait rempli son rôle et n’avait aucun appétit pour la bagarre, et encore moins pour une blessure. Malgré cela, c’était un spectacle à ne pas manquer. Il monta en selle, dégaina son cimeterre et regarda du haut de sa selle.
    À cinq cents pieds de là, les cavaliers formés en un coin furieux étaient au grand galop et rien sur terre ni au-dessus n’aurait pu les rappeler. Il vit l’orbe du soleil levant émerger sur la carapace de la pointe, et, dans la lumière oblique qui traversait la langue de terre, les casques et les plaques dorsales des cavaliers luisaient d’un rose iridescent. Ainsi parés des couleurs criardes du jour naissant, ils fondirent sur le campement et attaquèrent les défenseurs engourdis de sommeil avec un appétit enflammé par la droiture et la haine.
    Des formes humaines paniquées se dressaient et étaient immédiatement renvoyées à terre. Des masses d’armes tournoyaient et matraquaient, et des lances traversaient la chair nue, et des haches se levaient et retombaient au milieu de soudaines giclées. Les lames des épées volaient en rouge au-dessus des armures rosées. Un immense vacarme de mules terrifiées, de cris d’alarme, de hurlements de mort et d’ordres inutiles, rompit le cristal du matin, et au milieu des clameurs et des gémissements on pouvait entendre les noms de Jésus-Christ et de Jean-Baptiste, d’Allah et du Prophète, et, comme toujours quand les hommes rencontrent leur Créateur dans des circonstances horribles, le mot « mère », en différentes langues, sorti des bouches de fils qui ne les reverraient plus jamais.
    Tannhauser donna un coup de talon et lança Buraq au trot.
    Comme il atteignait le périmètre du feu de veille, dans lequel reposaient les entrailles fumantes et pourpres d’un cadavre éventré, deux rescapés cherchaient à s’éloigner du carnage en courant. Voyant le turban blanc de Tannhauser, son caftan vert foncé et son cheval mongol doré, ils coururent vers lui, aveuglés par l’espoir d’être sauvés. Ils avaient l’air de Bulgares ou de Thraces, étaient sans casques, et leurs yeux roulaient dans leurs orbites comme ceux des fous. Ils étaient à peine plus que des adolescents. Mais même s’il avait été enclin à la pitié, il ne pouvait pas les laisser le reconnaître un jour, ailleurs. Il tua le premier d’un seul coup alors qu’il s’agrippait à la bride de Buraq, et du sang chaud éclaboussa le poitrail de l’animal pendant qu’il le faisait virer sur le côté. Il ouvrit le cerveau du second par-derrière alors qu’il abandonnait son camarade et fuyait comme du gibier condamné. Devant, les cavaliers de Lugny avaient balayé le camp jusqu’aux sept canons de siège en bronze qui commandaient la baie, et ils faisaient demi-tour pour un second passage, dans une envolée de sable projeté par les sabots. Tannhauser arrêta Buraq et essuya le sang de sa lame pendant qu’il était encore humide, puis il regarda l’entreprise sanglante des chevaliers tirer à sa fin.
    Des soixante-dix et quelques artilleurs et servants, la plupart étaient morts ou gisaient gravement blessés. Le reste essayait de fuir, invoquait Allah, ou répondait aux appels de leur commandant, qui brandissait un étendard au croissant rouge près de sa tente couleur safran. Chacun de ces choix eut un résultat similaire. Les chevaliers de Lugny, leurs coursiers à moitié épuisés par la charge, retraversèrent le camp au petit

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