Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
Vom Netzwerk:
bazar comme marchand d’opium. Ils disent que quand Malte tombera, tu as l’intention de te lancer dans le commerce du poivre, depuis Alexandrie. »
    Ainsi Abbas avait gardé ses oreilles ouvertes, mais la mascarade de Tannhauser s’avérait solide. Il pensa à Sabato Svi et sourit intérieurement. Sabato aurait été bien amusé de savoir que sa foi en ce commerce du poivre s’était maintenant répandue jusqu’au cœur du haut commandement turc.
    Il dit : « Le futur de l’empire est dans le commerce. Plus que dans la guerre, si j’ose dire.
    – Pourquoi as-tu quitté les janissaires ? »
    La question était posée sans avertissement ni menace. Tannhauser donna sa réponse habituelle. « Il vient parfois un temps où un homme peut traverser l’Iran avant que ses pieds ne lui demandent s’il n’y a pas un autre moyen de servir notre sultan. »
    Abbas sourit. « Les  kullar de l’épée du sultan ont peu de choix dans ce genre d’affaires. Tu t’es retiré avant l’âge normalement autorisé, et malgré une grande perspective d’avancement. »
    Tannhauser ne s’attendait pas à ce qu’Abbas soit si bien renseigné. Il ne répondit pas.
    « Je vais te raconter une histoire que j’ai entendue, dit Abbas. Le tragique destin du fils aîné de notre sultan, le prince Mustapha, est bien connu. En tant que membre de sa garde personnelle, tu devrais le connaître mieux que beaucoup de gens.
    – C’est vrai, dit Tannhauser. J’ai vu le corps du prince jeté sur le tapis devant la tente de campagne de notre sultan. »
    À cette époque, quatre fils de Soliman avaient survécu sur les huit que lui avaient donnés ses deux épouses. La mère de Mustapha était Gulbahar, qui avait été supplantée depuis longtemps, à la cour et dans le cœur de Soliman, par Roxelane, « La Russe », qui était la mère des trois autres. Roxelane savait que si le prince Mustapha devait monter sur le trône – et puisque ses talents étaient grands et que l’armée et la noblesse étaient derrière lui, c’était fort probable –, il ferait assassiner ses trois demi-frères. La tradition ottomane du fratricide était consacrée par les siècles. Soliman lui-même était le seul survivant de cinq frères du même sang. Leur père, Selim le Sévère, avait assassiné les quatre autres, ne laissant que Soliman pour régner.
    À force d’intrigues, Roxelane parvint à convaincre Soliman que son fils avait décidé de le détrôner, mais qu’il avait aussi établi des relations avec les hérétiques safavides d’Iran, contre qui Soliman était en guerre. Soliman fit venir le prince Mustapha dans son camp en Karamanie et, avec une brutalité caractéristique, le fit étrangler par ses eunuques sourds-muets.
    « Si le prince Mustapha avait vraiment voulu renverser l’empereur, dit Tannhauser, il n’aurait jamais répondu à son appel. Je connaissais bien le prince. Ce complot était une invention grotesque de la Russe.
    – Nous ne le saurons jamais, dit Abbas avec discrétion. Mais ce n’est pas le sujet de mon histoire. À la mort du prince, la fureur était grande dans l’armée, surtout parmi les janissaires. S’il y avait eu un homme prêt à les conduire, rien n’aurait alors pu les empêcher de destituer notre sultan sur-le-champ, peut-être même le tuer. Les chaudrons auraient été renversés. »
    Les chaudrons de cuivre dans lesquels les janissaires mangeaient leur unique repas quotidien étaient le symbole de leur ordre. Les renverser était le signal de la révolte, un événement auquel au moins deux sultans antérieurs devaient leur règne. Alors que les janissaires étaient, en nombre, le plus petit corps d’armée, leur pouvoir politique était immense.
    « Il n’existait pas un tel chef », dit Tannhauser.
    Abbas regarda ardemment Tannhauser. Tannhauser ne ressentait rien. Quels que soient les sentiments qu’il avait abrités, ils avaient été exorcisés il y a fort longtemps. Il dit : « Même s’il avait existé un tel homme, et une telle révolte, cela n’aurait fait que déclencher une guerre entre le fils du prince Mustapha, Murad, et les autres frères. Mieux vaut la mort d’un seul homme que celle d’innombrables milliers. Notre sultan, comme toujours, a été sage.
    – Exactement, accorda Abbas. Ce qui me ramène à mon sujet. Certaines puissances requéraient que toute trace de la lignée du prince s’éteigne. Pour toujours.

Weitere Kostenlose Bücher