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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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Malte non pour la richesse ou l’honneur, mais pour sauver mon âme.
    Ce bracelet l’avait sans doute aidé à sauver sa peau. Il le passa à son poignet. Il prit le second objet emballé de soie et comprit immédiatement que c’était un couteau, et son cœur se serra face à une pensée qu’il n’osait pas formuler. Il le déballa et pendant un moment ses nerfs se détendirent. C’était une dague élégante. Sa garde était d’argent, travaillée avec grand art, et un rubis était enchâssé dans son pommeau. Sa poignée était couverte de cuir rouge, décorée de grenats. Il la tira du fourreau et son cœur fit un bond dans sa poitrine. Contrastant complètement avec l’exquise décoration, la lame était d’une fabrication très crue et manquait de symétrie, pourtant les fils de ses tranchants brillaient et son essence évoquait anormalement la mort. L’acier était mat et semé de filets noirs, et il la reconnut immédiatement. Elle avait été forgée par la voix d’un ange, et trempée dans le sang d’un démon, de sa propre main.
     
    DANS LA FORGE DE SAINT-ELME, Tannhauser se servit de cette dague pour diviser une plaque d’opium d’une demi-livre en quatre quarts, puis il empaqueta le tout dans les fontes de sa selle. Il enfila sa bague d’or russe sur son majeur droit et replaça la dalle sur le sol. Il attacha son cheval à l’enclume et prit l’escalier pour grimper dans la charpente dévastée, où il retrouva son fusil à mécanisme et son sac de balles toujours dissimulés dans leur logement entre les poutres brisées. Il accrocha la clé du mécanisme autour de son cou. Il reprit sa jument et sortit du fort, repassant devant le Bulgare sidéré, puis il prit la direction de la baie de Marsamxett. C’était là que le gros de la flotte turque et tous les corsaires algériens étaient abrités.
     
    Après son repas avec Abbas, Tannhauser était resté allongé sur ses coussins pendant trois jours et trois nuits, ne s’aventurant pas plus loin que les cuisines et les latrines. Son foie avait secrété la bile noire qui engendrait la mélancolie. Dans cet état de désolation, entre des bribes de sommeil stupéfié, il se demandait quelle démarche suivre ensuite, et même si ces réflexions exacerbaient les douloureux effets de sa bile, il se découvrait incapable d’orienter son esprit vers quoi que ce soit d’autre. Pire encore, il n’arrivait à aucune conclusion solide, car à peine s’était-il rangé aux avantages d’un plan d’action qu’il se convainquait lui-même des mérites d’un autre.
    La simple raison le faisait pencher vers un retour aux côtés des Ottomans. Malte allait tomber, même si cela devait arriver plus tard que prévu car, de par leur sang mongol, leur obstination bornée ne connaissait pas de limites, et l’idée de retraite leur était presque inconnue, surtout dans une guerre de siège comme celle-ci. Comme il en avait discuté avec les marchands du bazar, la reconquête le verrait extrêmement bien placé pour en tirer profit, et il pouvait compter sur l’appui et les investissements d’Abbas bin Murad. Dans le jardin de l’auberge d’Angleterre, une fortune en opium était enterrée sous sa baignoire. Il serait assez facile, lors du saccage de la ville, d’aller la récupérer. Avec Sabato Svi désormais rétabli à Venise, leur futur serait brillant. Et ce qui le poussait le plus, c’était qu’il pourrait ainsi éviter tout nouveau combat.
    L’alternative n’était pas seulement désolante – et hautement improbable –, elle requérait aussi une vigueur et une passion qu’il semblait avoir épuisées pour de bon dans la fureur de Saint-Elme. Il lui faudrait retourner au Borgo en traversant les deux lignes hostiles, exploit pas facile à réaliser, puisque le cordon turc était désormais tendu comme une peau de tambour. Comme il n’y avait que peu de raisons valables de retourner mourir seulement pour la Religion, et en supposant qu’Amparo, Carla et Bors étaient toujours en vie, il lui faudrait réussir à les faire tous sortir, puis leur faire traverser le même double cordon d’acier, avant d’atteindre le bateau caché à Zonra, dont la sauvegarde n’était pas une certitude.
    Aucun de ces plans n’incluait Orlandu. Quand Tannhauser y ajoutait cette donnée, le voyage vers le Borgo semblait impossible. Il était prêt à se frayer un chemin dans le noir en évitant les sentinelles turques, mais

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