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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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à la tuerie. Les hauts borks blancs des janissaires s’agitaient comme un champ de lys géants. Des derviches martelaient le sol d’impatience en brandissant des lames étincelantes, hurlant : « Malheur aux infidèles, leur mort promise est arrivée. » Et des iayalars délirants de chanvre arrachaient leurs vêtements en hurlant à Allah de leur accorder la part de sang qu’ils méritaient.
    Au-dessus du plus avancé des bastions catholiques, le soixante-dix-huitième esclave du siège à avoir eu droit à la potence de la porte Provençale surplombait la catastrophe comme une harpie sans ailes et à la langue bleue, envoyée par les forces des ténèbres pour contempler cette journée.
    Tandis que le Borgo luttait pour son existence, à trois cents vergues sur la gauche de Piyale, et séparé de lui par l’avancée de la crique des Galères, le pacha Mustapha se précipitait sur Saint-Michel. Une masse rouge de spahis jetaient leurs échelles haut dans un pandémonium de cercles de feu grégeois et de marmites enflammées. La puanteur du gras et des cheveux brûlés atteignit les narines de Tannhauser à travers les miasmes déjà denses des morts en décomposition. De ces derniers, des multitudes d’énormes mouches s’élevaient en piliers tournoyants, iridescents de bleu et de vert. Il semblait impossible que même des gazi puissent endurer un traitement si démoniaque. Et pourtant, ils le faisaient. Et alors que les minutes puis les heures passaient, ils escaladaient les corps cramés et massacrés, grimpaient aux murs noircis, se faufilaient dans les embrasures, et les corps à corps éclataient au-dessus des ruines de Bormula.
    Comme pour sonner le glas de L’Isola, Mustapha lui-même apparut sur cette plaine brisée, à la tête de ses gardes. Des balles de mousquets soulevaient de petits nuages de poussière du sol cuit de soleil tout autour de lui. Il les dédaignait. Des plumes d’autruche surmontaient son immense turban blanc, son coursier gris perle était recouvert de tissus d’or et des étendards de prêles rouges l’encadraient de chaque côté, comme ils l’avaient fait pour Temujin et Timour le Boiteux dans les hécatombes d’antan. Le long de la garde du pacha, une douzaine d’ orta de  solaks , l’élite des janissaires accompagnés par leurs pères derviches bektasi, s’alignaient en robes ocres et casques de bronze, et Mustapha cavalait entre leurs rangs, les exhortant de versets du Prophète, courtisant leurs âmes avec la perspective d’un paradis ombré de palmes, et excitant leur convoitise avec celle du pillage et des récompenses. Lui et La Valette étaient parfaitement assortis, se disait Tannhauser. Tous deux avaient soixante-dix ans, et étaient assoiffés de sang, à la folie. Les  solaks se mirent en position pour la charge, et sa gorge se serra, car il sentait leurs cœurs battre. Si les spahis parvenaient à monter aux remparts de Saint-Michel – et ils l’avaient fait –, les Lions de l’islam allaient les prendre entièrement.
    Puis un rugissement de triomphe vengeur mêlé de désespoir s’éleva de la brèche ouverte dans l’enceinte du Borgo et Tannhauser pressa son cheval le long de la crête pour avoir une meilleure vue. Les troupes de choc de Piyale s’étaient emparées de la brèche embrasée et s’entassaient pêle-mêle dans l’espace libre au-delà. Là, elles rencontrèrent la pierre immaculée du mur intérieur dissimulé – la seconde et nouvelle enceinte que Tannhauser lui-même avait suggéré de construire, ce que La Valette avait fait au prix de la vie de centaines d’esclaves. Au lieu de se retrouver dans la ville, les envahisseurs de Piyale étaient piégés dans un couloir de mort, plaqués contre le mur par-devant, et leurs dos écrasés par l’énorme vague écarlate des gazi avides de gloire.
    Le champ de massacre était superbement conçu. À chaque bout du corridor, des casemates et des bouches à feu abritaient des canons chargés de mitraille qui labouraient cette bousculade frénétique de tempêtes de sang. D’au-dessus, arquebuceros et archers tiraient à volonté, des femmes maltaises, deux par deux, versaient des chaudrons de gras bouillant, jetaient des blocs de maçonnerie, et les équipes d’incendiaires balançaient leurs ustensiles funestes, conspirant tous à la ruine infinie des mortels hurlant en dessous.
    Les survivants piégés tournaient en rond, comme du bétail paniqué par

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