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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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Il allait échanger le reste de l’opium contre de l’or au bazar, car il avait là plus de valeur que nulle part ailleurs. À Tripoli, l’or, artistiquement distribué, lui offrirait une ligne de crédit avec les marchands de grain. Sa connaissance de la situation maltaise et ses contacts dans le bazar de l’armée lui permettraient d’acheter quelque chose de plus précieux encore : leur confiance. Et la lettre d’Abbas valait plus d’or qu’il ne pouvait en porter. Jadis, Tannhauser avait commencé avec un capital bien moindre. Il serait de retour à Malte d’ici un mois, avec une cargaison de vivres qui allait faire danser les intendants.
    Il avait fait ce qu’il pouvait pour le garçon. Une place au service d’Abbas était l’un des postes les plus sûrs de l’île. Il avait rempli son contrat avec Carla, et même plus. Il avait payé son tribut au Dieu de la guerre. Quelqu’un devait se relever des cendres à venir ; mieux valait que ce soit lui plutôt qu’un autre. Quand il posa sa tête sur l’oreiller et qu’il ferma les yeux, ce qui passait par sa conscience était clair comme un miroir poli.
    Quelques heures plus tard, il s’éveilla. La lumière des feux brûlait autour de la tente. Il avait rêvé, mais il ne savait plus de quoi. Il chercha l’Éthiopien des yeux ; mais l’Éthiopien n’était plus là. Son rêve avait été hanté par un air de musique lointain qui emplissait son cœur de tristesse et laissait une impression indéfinissable de possibilités inaccomplies et de sentiers jamais empruntés. Il se rallongea et se gratta l’entrejambe. Puis il se rendit compte qu’il entendait toujours la musique.
    Son ventre se serra d’un coup. Il tenta de se persuader de retourner à ses rêves. Dès l’aube il avait un bateau à prendre, pour Tripoli. Mais il se leva des coussins, passa son caftan et, comme s’il était sous le charme de quelque enchantement, il sortit dans la nuit.
    Des feux de camp trouaient le vaste bassin obscur du Marsa, et il imagina les janissaires affûtant leurs armes et pansant leurs blessures à la chaleur de l’ oçak tout en récitant, comme c’était leur habitude, des ballades héroïques autour de leur kazan . Une part de lui avait envie de se joindre à eux pendant une heure ou deux, pour retrouver la camaraderie sacrée de sa jeunesse. Ses tatouages lui garantiraient un accueil chaleureux. Un quart d’opium adoucirait leur désarroi face aux événements. Mais le passé était passé, mieux valait le laisser où il était, et le fil d’or de la mélodie l’entraîna dans une autre direction.
    Dans l’air cristallin, la musique était presque imperceptible, mais bien réelle. Elle l’attira vers la crête de Corradino, et il regarda, en contrebas, les ports chrétiens en fouillis. La moitié de lune était dans le Sagittaire, et un rayon blafard découpait les eaux de la crique des Galères. Il imagina qu’elle était assise tout au bout du lointain rayon de lune. Où qu’elle soit assise, elle jouait de sa viole de gambe avec la même extravagante union d’espoir et de désespoir qui l’avait tant charmé dans le jardin de roses, et qui l’avait projeté au cœur de l’enfer. Là-bas, sur cette colline parfumée, comme ici sur cette falaise aux relents de putréfaction, il avait senti ses yeux s’emplir de larmes et la musique emplir son âme là où elle avait toujours été vide. Amparo était son amour. Et pourtant. Avait-il choisi la mauvaise femme ? Il ne s’étonnait pas de ne pas avoir osé choisir Carla. Elle détenait un pouvoir auquel il craignait de se soumettre. Mais l’une ni l’autre n’avait rien à voir avec sa fâcheuse situation présente. Dans cette situation, tous ces choix venaient de s’envoler sur les ailes de son chant nocturne.
    Il entendit des pas sur les cailloux derrière lui et il se retourna. C’était Orlandu. Le garçon leva vers lui des yeux emplis d’une question muette, sa langue paralysée par ce qu’il voyait sur le visage de Tannhauser. Ce dernier sourit. Dans l’œil de son esprit, il voyait la galère pour Tripoli s’éloigner de la baie de Marsamxett sans lui.
    « Tu entends ça, garçon ? »
    Orlandu prêta l’oreille. Il hocha la tête.
    « C’est ta mère. »
    Le regard d’Orlandu se porta de l’autre côté de la baie.
    « Elle joue comme un ange chargé de chaînes », dit Tannhauser.
    Orlandu le regarda avec intelligence, comme si

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