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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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Tu as pensé à m’apporter quelque chose ?
    – Non, mais ta part n’a pas été gaspillée. Où est la fille ?
    – Je lui ai dit de trouver Carla et de rester collée à elle, au cas où nous aurions besoin d’improviser une sortie.
    – Nous verrons, dit Bors. On dirait que Mustapha a mis Saint-Michel à genoux, encore une fois. Les troupes de Piyale sont là-bas. Ils ont des échelles et des cordes partout sur le bastion de France, mais c’est juste pour absorber nos réserves. La véritable issue, c’est ici. »
    Pendant que Bors expédiait une balle vers les Turcs massés sur la pente, Tannhauser s’installa près de lui pour poser son fusil sur le mur et choisir une cible. Il vit un jeune chapelain de l’ordre sortir de la fumée en titubant, battant des bras, son habit sale et déchiré, comme s’il venait juste de l’emprunter aux débris de Castille. Son visage était ensanglanté, tordu de l’absolue certitude que seuls une peur extrême ou des états d’extase religieuse pouvaient conférer. Dans son cas, ces deux ingrédients étaient à l’œuvre, car il s’arrêta à cent pieds d’eux, se détachant contre le spectacle musulman tapageur juste derrière lui, et il leva les mains vers le ciel pour proférer une folle jérémiade, dont Tannhauser perçut quelques fragments au travers du tumulte.
    « Perdus ! Nous sommes tous perdus ! Dieu a détourné ses yeux de nous ! La moisson est faite, l’été est terminé, et nous ne sommes pas sauvés ! Battez en retraite et faites la paix avec le Christ ! »
    Un tel boniment venant d’un prêtre valait un bataillon de spahis frais pour Piyale. Le moral de la soldatesque espagnole et de la milice paysanne était déjà fragile depuis que leur maestro de campo , don Melchior de Robles, avait pris une balle dans la tête le 12. Comme il se devait, les piquiers qui avançaient s’arrêtèrent et flanchèrent, en pleine confusion. Ils échangeaient des regards en coin, sourds aux rugissements des sergents, et trouvaient fort peu de réconfort dans ce qu’ils voyaient. Ils en trouvaient encore moins dans les sanglants duels pour la brèche, ou dans la horde hululante qui enjambait les cadavres de leurs camarades juste derrière. Ils se mirent à tournoyer comme des feuilles emportées par le vent, vacillant sur le rebord de la déroute.
    Tannhauser fronça les sourcils, ajusta le chapelain délirant et lui expédia une balle à travers la croix qui barrait sa poitrine. Les doigts du chapelain touchaient presque ses orteils quand il décolla du sol et il retourna à la fumée dont il venait d’émerger.
    « Eh bien, fit Bors, il fallait bien que quelqu’un le fasse. »
    Tannhauser enfonça sa flasque de poudre dans l’orifice de son arme. Les piquiers ne poursuivaient pas leur avancée, mais au moins allaient-ils y réfléchir à deux fois avant de s’enfuir. Certains d’entre eux sursautaient et s’écroulaient sous le feu venu de la pente. L’exécution du chapelain n’avait guère apporté plus qu’une interruption. Quelqu’un devait s’emparer de ce moment, et dans cette passe si désespérée un seul homme avait la stature pour ce travail. Tannhauser jeta un regard vers le nœud d’hommes en armure entourant La Valette, et s’aperçut que le grand maître regardait dans sa direction.
    « Allez, vieux chien de guerre, cria Tannhauser, c’est l’heure de nous montrer de quoi tu es fait ! »
    Il ne savait pas si La Valette l’avait entendu, mais le grand maître semblait être arrivé à la même conclusion. La Valette arracha un salet 1 et une demi-pique à un soldat sidéré et, sous les regards consternés de ses myrmidons, le vieil homme passa le muret défensif, seul, et s’avança sur le terrain traversé de balles, droit vers la mêlée.
    « Nom d’une hostie, dit Bors. Il les attaque tout seul ! »
    L’effet n’aurait pas pu être plus dramatique si Jean le Baptiste lui-même était apparu sur le champ de bataille. Les piquiers se remirent instantanément en ordre. Les Provençaux se battirent entre eux pour suivre son chemin. Quand le vieil homme se mit à courir d’un pas chancelant, les cris de bataille chrétiens s’élevèrent au-dessus du tumulte, les découragés sentirent leur sang bouillir, des chevaliers, des fantassins apparurent, surgissant des ruines où il avait semblé auparavant qu’il n’y en avait aucun, et des centaines d’hommes chargèrent,

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