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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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jeter contre lui, le serrer et être serrée, assouvir sa soif, tomber, se rendre, oublier et s’évanouir pour toujours dans ses bras. Mais ses membres refusaient de bouger, et elle demeurait comme soutenue par sa main, comme si elle flottait sur un océan de bonheur absolu. Il retira sa bouche, et sa main aussi, et elle ne bougea pas, elle ne voulait plus bouger, car elle ne voulait pas que cela s’achève.
    « Vous pleurez », dit-il.
    Elle ouvrit les yeux, et sa main, comme affolée, s’envola vers ses joues. Elles étaient humides. Elle les essuya. Elle se sentait idiote. L’enchantement était rompu.
    Mattias s’adossa à la pierre. Il était mort de fatigue, et paraissant pourtant oppressé par quelque chose de plus profond que l’épuisement. Dans le noir de la poudre qui couvrait son visage, ses yeux paraissaient énormes. Il avait toujours eu l’air d’un homme qui connaissait ses propres pensées à chaque instant, mais maintenant elle y voyait une confusion qui lui faisait mal, le reflet parfait de la sienne. Il cligna des yeux et cela disparut.
    « Pardonnez-moi, dit-il. Aujourd’hui j’ai massacré tant d’hommes dont je ne connaîtrai jamais le nom que mon cerveau est brouillé par les explosions et le sang injuste. »
    Il s’empara de l’outre de vin. Un sentiment de panique envahit Carla. Elle ne voulait pas d’excuses. Elle voulait quelque chose de si primal qu’elle ne pouvait même pas le nommer. Bors avait raison. Amour, guerre et folie. Ravages, pestilence, sang. Mères et fils et hommes. La faim sexuelle qui la tourmentait, même maintenant avec ses propres révélations. Elle savait tant qu’elle ne savait rien. Elle cligna des yeux pour éclipser les restes de larmes qui brouillaient sa vision. Les larmes de bonheur que Mattias avait mal interprétées. Elle sauta sur sa dernière phrase sans réfléchir.
    « Un sang injuste ? » dit-elle.
    La mauvaise phrase. Une phrase dont elle n’avait que faire, en réalité. Elle sentit le moment lui échapper, la conversation, le baiser, son ardeur, tout était ravalé par le vent de cette nuit meurtrière.
    Mattias haussa les épaules, les yeux sur l’outre de vin qu’il tenait à la main, et elle vit qu’il battait en retraite en lui-même. « Il est rare d’en verser d’une quelconque autre sorte, dit-il, même si beaucoup ici sont convaincus du contraire. Soldats de l’islam. Soldats du Christ. Chacun est le diable pour l’autre, et Satan ricane dans sa manche. »
    Il lui tendit l’outre et elle refusa d’un mouvement de tête. Il but et s’essuya la bouche. Elle tressaillit comme s’il effaçait leur baiser. Comme si ce baiser n’avait jamais existé. Comme si elle l’avait rêvé comme elle rêvait de tant d’autres choses. Mais les battements de son cœur étaient encore très rapides et le goût de Mattias persistait sur ses lèvres. Elle ne voulait pas parler de tueries et de guerre. Elle voulait parler d’amour. Elle voulait l’entendre parler d’amour. Mais elle ne possédait en rien l’art de ces choses. Sa voix lui semblait coincée dans sa gorge et ses épaules étaient raides. Elle avait battu en retraite autant que lui. Et pourtant il ne l’avait pas fait, car la retraite n’était pas dans sa nature. Il sortit un foulard de sa manche et se pencha pour lui essuyer le visage. Le foulard était sale et trempé de sueur, mais il lui parut exquis.
    « Il vaut bien mieux verser des larmes », dit-il. Il sourit pour la rasséréner. Il rangea son foulard. « Petrus Grubenius émettait l’hypothèse que les larmes soient en fait du sang, dont la puissance a été extraite par les membranes du cerveau. Il ne pouvait pas le prouver, mais il est vrai qu’elles ont un goût similaire : plus salé que l’urine, mais moins que l’eau de mer. Il pensait que pleurer était très bon pour la santé, un substitut de la nature aux saignées que les chirurgiens nous imposent avec tant d’allégresse. Et beaucoup s’accordent sur le fait que les larmes peuvent soulager un esprit épuisé. »
    Carla sourit aussi, toute panique bannie par son regard chaleureux, et sa curiosité s’éveilla, car il avait déjà évoqué ce nom. « Dites-moi, qui est Petrus Grubenius ?
    – Petrus était médecin, astronome, alchimiste, un philosophe de la magie naturelle dans autant de ses formes infinies qu’il pouvait en étudier : cosmologie, physique, distillation des médicaments et

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