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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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de jaune autour de l’iris et enfoncés dans les nids plissés d’une peau ridée et couverte de cicatrices. Si Bors choisissait réellement de se joindre à la guerre de la croix contre le croissant, Tannhauser partirait avec lui. Bors l’ignorait, car il n’était pas homme à attendre de personne qu’il se sacrifie pour lui, mais Sabato le savait pertinemment et il attendait en retenant son souffle. Dana rapporta une cruche pleine, tout à fait consciente que ses charmes étaient réduits à néant par cette discussion. Bors lâcha un vague grognement et remplit sa coupe.
    « Peut-être n’est-ce pas une coïncidence, dit-il, que je sois le seul non circoncis assis à cette table.
    – Au moins, ce manque d’harmonie serait facile à corriger, dit Tannhauser.
    – Il faudra que tu me coupes la tête d’abord !
    – Ces deux procédures ne feraient qu’améliorer ton humour, dit Tannhauser. Allons, livre-nous ta décision, mon vieux. Es-tu avec nous ou avec les fanatiques ?
    – Comme tu disais, on a passé un contrat ensemble, pour la réussite ou l’échec », grommela Bors. Il leva sa coupe. « Jusqu’à la fin amère. »
    Sabato Svi soupira de soulagement.
    Tannhauser se leva. « Allons faire nos petits trafics. »
     
    DANS SA CHAMBRE Tannhauser se changea, passant un pourpoint de soie rouge lie-de-vin barrée de diagonales d’or, avant de ceindre son épée, une Julian del Rey dont le pommeau d’argent était une tête de léopard, puis gratta d’une main sa barbe de quelques jours en guise de rasage. Il n’avait pas de miroir, mais il était confiant : il était sans conteste le personnage le plus grandiose des quais. De la rue en dessous, Bors cria son nom et une blague obscène, et Tannhauser descendit le rejoindre.
    Huit chars à bœufs à deux roues attendaient dehors, les grands bovins stoïques sous le soleil. Ils étaient chargés de poudre à canon, de boulets de cuivre, de charbon de bois de saule et de masses de plomb. Bors s’installa impatiemment sur son bai, pendant que Gasparo tenait Buraq par les rênes.
    « Gasparo, comment ça va aujourd’hui ? » demanda Tannhauser.
    Gasparo était un robuste jeune homme de seize ans, timide mais loyal jusqu’à l’excès. Il sourit en guise de réponse, sidéré de l’honneur qu’on lui pose une question. Tannhauser lui donna une tape amicale dans le dos et se tourna vers Buraq, dont l’affection l’emplit instantanément d’une joie infinie. Buraq était un téké du Turkménistan né dans l’oasis d’Akhal, une race que les anciens considéraient comme sacrée et appelaient nisaean. Gengis Khan avait monté un tel cheval. Les plus prompts, les plus forts, les plus gracieux. Il tenait sa tête haute et avec une majesté innée. Sa robe était de la couleur d’une pièce d’or nouvellement frappée. Sa queue et sa crinière, courtes et touffues, blondes comme du blé. Tannhauser le nourrissait de gras de mouton et d’orge et l’aurait bien installé dans l’Oracle si ses partenaires l’avaient laissé faire. Buraq baissa la tête pour se faire caresser par Tannhauser.
    « Appelez-le le plus beau », dit-il, et Buraq s’ébroua et secoua son long cou.
    Tannhauser sauta en selle et, comme toujours, ressentit immédiatement ce qu’avait dû ressentir un césar. Buraq n’avait pas besoin de mors tant il répondait avec légèreté. L’attachement entre cheval et cavalier était total. Buraq se mit en marche comme si toute cette expédition était sa propre idée, les cochers firent claquer leurs fouets et les bœufs suivirent le mouvement des cavaliers qui menaient ce train de chariots comme une procession tout le long du port.
    Si la Sicile en son entier se montrait fort peu agréable pour les non-conformistes, Messine, qui avait connu depuis des millénaires des douzaines de conquérants, était ouverte aux étrangers, aux coquins et aux entrepreneurs de tout poil. C’était une république indépendante, aussi populeuse que Rome, et elle prêtait très peu d’attention aux plus récents envahisseurs – les Espagnols – qui dépouillaient l’île jusqu’aux os, comme elle l’avait fait avec les Romains, les Arabes, les Normands et tous les autres. Messine était turbulente et riche, et avec le sanctuaire de Calabre de l’autre côté du détroit, à deux milles nautiques, elle abritait, en nombres énormes, la crème des sans-loi aussi bien que la lie. Le gouverneur pillait plus pour

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