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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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Il avait des yeux et une bouche de dépravé, et l’air d’un assassin. À sa taille pendaient une épée et une dague. Le plus grand des deux moines marchait avec le port d’un prince et l’humilité d’un pauvre. Son chemin allait bientôt croiser celui de Tannhauser et lorsqu’il sortit du contre-jour éclatant, Tannhauser découvrit son visage et sentit son estomac se serrer.
    « Ludovico Ludovici, dit Tannhauser.
    – L’inquisiteur ? » fit Bors.
    Le monde dans lequel vivait Tannhauser aurait sans doute paru immense au commun des mortels, mais à cause de cette sélectivité, justement, il était plus petit que la carte sur laquelle il se déplaçait. La carte de l’infamie était plus petite encore. Il sentit sa peau se tendre tout autour de son crâne.
    « C’est lui qui a envoyé Petrus Grubenius à la mort », dit-il.
    Bors le prit par les épaules et tenta de l’écarter du chemin de Ludovico. « Le passé est passé. Occupons-nous de nos affaires.
    – J’étais une brute et Petrus a fait de moi un homme. Il était mon professeur. Il était mon ami.
    – Et seul un idiot cultive un ennemi qu’il ne peut pas combattre. »
    Tannhauser céda à la force de Bors et recula d’un pas ; mais il ne quitta pas Ludovico des yeux et constata que, en s’approchant, l’inquisiteur l’étudiait. Le plus petit des deux moines, un type cireux aux traits dédaigneux et qui transpirait sous deux lourdes sacoches, fit un écart pour passer devant eux comme s’ils n’étaient qu’un tas de fumier nauséabond, mais, au dernier moment, Ludovico s’arrêta, se retourna et considéra Tannhauser avec courtoisie. Il désigna son confrère au teint cireux.
    « Puis-je vous présenter frère Gonzaga, le légat de notre Saint-Office à Messine ? »
    Perplexe face à l’attardement de Ludovico, Gonzaga parvint à esquisser un salut de la tête.
    « Et voici… Anacleto. »
    Le jeune Espagnol sans âme fixa Tannhauser avec froideur.
    « Je suis frère Ludovico. Mais, à cet égard, vous semblez avoir l’avantage. »
    La voix de Ludovico roulait sur lui, calme et aussi profonde qu’une mer sans le moindre vent. Pourtant, sa surface cachait des monstres. Tannhauser fit un geste vers Bors. « Bors de Carlisle. » Puis il inclina légèrement la tête. « Capitaine Mattias Tannhauser. »
    L’attention de Ludovico était visiblement attirée. « Votre réputation vous précède.
    – Chaque coq est roi de son propre fumier », répliqua Tannhauser.
    La brusquerie de la remarque prit Ludovico par surprise et sa bouche sensuelle se fendit d’un sourire, comme s’il découvrait pour la première fois la manière de le faire. L’affront coupa le souffle de Gonzaga. Anacleto fixait Tannhauser comme un chat observe un oiseau posé dans une cour. Bors surveillait Anacleto et, d’impatience, remuait des doigts qui auraient préféré tenir un couteau.
    « Vous êtes un philosophe, dit Ludovico. Et plutôt caustique. »
    Malgré l’ancienne haine ravivée en lui, Tannhauser se sentit pris de sympathie pour le moine. Signe que Ludovico était encore plus dangereux qu’il ne l’imaginait. Tannhauser secoua la tête. « Votre grâce me flatte. Je suis un homme fortuné, mais simple. »
    Cette fois Ludovico rit franchement. « Et je ne suis qu’un humble prêtre.
    – Alors nous sommes à égalité », répliqua Tannhauser.
    La stupéfaction de Gonzaga était maintenant dirigée vers son maître.
    « Dites-moi d’où vous me connaissez, capitaine Tannhauser, demanda Ludovico. Si nous nous étions déjà rencontrés auparavant, je m’en souviendrais forcément.
    – Je ne vous ai vu qu’une fois, et de loin, et il y a des années. À Mondovi. »
    Ludovico regarda vers le lointain, comme s’il cherchait à évoquer une scène issue d’un souvenir vaste et détaillé, et il acquiesça. « Oui, en dehors de moi, vous étiez l’homme le plus grand de la piazza. » Son regard revint vers ses interlocuteurs et l’ombre d’un obscur chagrin traversa son visage, et Tannhauser savait qu’ils se souvenaient tous deux de la même colonne de flammes et des acclamations sauvages de la même foule bestiale.
    Ludovico dit : « Le monde est inondé par le mal, aujourd’hui comme alors, et l’évidence de l’ouvrage de Satan est partout apparente.
    – Je ne vous contredirai pas, lâcha Tannhauser.
    – Il y avait force vilenie parmi les Piémontais,

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