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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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la Couronne d’Espagne en une seule année que le reste de l’île ne produisait en cinq. Côté Église, la sainte Inquisition formait une véritable légion de kidnappeurs, tueurs et voleurs, et comptait dans ses rangs chevaliers, barons, marchands, artisans, criminels de tout acabit et, cela allait sans dire, la majeure partie des forces de police locales. Pour un homme comme Tannhauser décidé à faire fortune, elle était sans égale.
    La baie de Messine était un port parfait en forme de faucille, protégé par des jetées fortifiées et l’artillerie du monumental arsenal qui dominait la mer. Derrière lui se trouvait l’enceinte de l’ancienne ville fortifiée, les silhouettes de ses tours et de ses campaniles se perdant dans la chaleur de midi. Ses vastes quais étaient une forêt de mâts, d’espars et de voiles roulées, et, à travers la lumière éclatante qui rebondissait sur l’eau, des barges où s’empilaient balles et paniers naviguaient le long des grèves. Mis à part quelques bateaux de pêche et caboteurs, ainsi qu’un galion espagnol patrouillant au large, la mer était calme, car la plupart des marins attendaient d’en savoir plus sur les jours à venir, qui dépendaient des intentions du Grand Turc.
    Le quai des chevaliers hospitaliers était à une demi-lieue de l’Oracle et, en chemin, Tannhauser et son convoi faisaient cliqueter les pavés, passant des marchands de fournitures pour bateaux, des cordiers, des magasins d’épices et des graineteries, des bordels et des bureaux de change, et des tavernes semblables à la leur. Ils passèrent devant des grues qui balançaient leurs charges dans les airs, actionnées par des esclaves pédalant dans le cerclage de roues géantes. Devant des galères mises en carène, étalées dans une odeur de chêne et de poix. Devant de petits vendeurs qui faisaient griller des tripes, des boutiques décorées de carcasses d’agneaux fraîchement dépecés, des éboueurs qui pelletaient des excréments, et des chariots à voile. Devant des mutilés qui mendiaient, des garnements nu-pieds, et d’autres mendiants encore demandant l’aumône avec des cris suppliants. Devant des femmes discutant des prix avec des boutiquiers, des bandes errantes de bravi avec leurs sourires ricanants et leurs poignards cachés. Devant mille voix jurant et mille dos brisés. L’échelle colossale de l’entreprise, qui s’étalait aussi loin que son regard pouvait porter, rappela à Tannhauser que Sabato Svi avait raison : ils n’étaient pas encore assez riches. Il prit la décision de présenter ses respects à Dimitrianos en revenant et de s’assurer de rations décentes pour la traversée.
    La  Couronne était longue et pure de lignes, cent quatre-vingts pieds de la proue à la poupe, et seulement vingt pieds par le travers. Elle avait été conçue, comme tous les navires des chevaliers, pour la vitesse et l’attaque. Sa coque était peinte de noir et les immenses voiles latines étaient d’un rouge sang. La croix dorée à huit pointes cousue dessus éblouissait l’œil. Pour accueillir le navire sur le quai, un groupe de chevaliers de la Religion se tenait, drapés dans leurs longues capes noires. Tous portaient l’épée sur leurs chasubles, et avaient l’air prêt à tout. Tannhauser présuma qu’ils étaient arrivés récemment des plus lointains prieurés de l’ordre, certains avaient des traits distinctement allemands ou scandinaves. D’autres étaient plus probablement espagnols ou portugais. Ils prenaient leur tour pour embrasser un frère très svelte qui se tenait au milieu d’eux. Quand il se tourna pour saluer le suivant, Tannhauser reconnut Oliver Starkey. Leurs regards se croisèrent et Tannhauser le salua de la tête en souriant. Un malaise troubla le fin visage de Starkey, mais il sourit aussi et hocha la tête avant de se retourner vers ses frères. Tannhauser fit signe à Bors.
    « Concluons nos affaires avec le capitaine, nous approcherons frère Starkey plus tard. »
    Au moment où Tannhauser allait s’engager sur la passerelle principale, Bors l’arrêta en posant une main sur son bras. Trois hommes en descendaient, le soleil dans le dos. Deux portaient l’habit des dominicains, et ils formaient un drôle de couple car l’un avait presque deux fois la taille de l’autre. Derrière eux venait un Espagnol d’une vingtaine d’années, sec comme un coup de trique et vêtu d’un très beau pourpoint noir.

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