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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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poussiéreuse noyaient la lisière contestée, venues du toit de la tour de siège, de l’artillerie installée sur les ouvrages défensifs, des cerceaux incendiaires tournoyants, et des salves des mousquetaires. Des drapés jaunes de feu grégeois bondissaient vers le ciel, et dansaient au-dessus du fossé au-delà des brèches massives ouvertes dans le mur. Découpées sur cette incandescence, elle aperçut les silhouettes tordues des chevaliers au combat, gauchies et tremblantes dans la chaleur comme les cauchemars des déments, et qui moissonnaient des têtes et des membres dans la multitude criarde. Au milieu des soldats, se tapissaient les formes des femmes maltaises, semant leur sueur à la volée de leurs longs cheveux qui balançaient sous leurs casques, brandissant piques et épées courtes, rampant le long de la ligne en charriant des bassines de gruau, et se précipitant soudain pour achever les musulmans à coups de couteau, comme les viragos réincarnées d’une saga du châtiment, ancienne et terrifiante.
    Quelque part au profond de cette hallucination, Mattias aussi combattait. Là, au poste de Castille, où des jets de sang jaillissaient çà et là et crépitaient sur les plaques d’armure comme de la graisse bouillante. Là où des blessés lacéraient d’autres blessés à mains nues ou avec les dents, se grimpant les uns sur les autres comme des créatures mutantes s’accouplant dans la fange. Là où des hommes battaient des bras, telles des ailes enflammées, en une épilepsie sauvage. Là où l’air retentissait de déflagrations, d’acier entrechoqué et de rires de déments. Là où, au-dessus de l’assourdissante folie de la guerre sainte, le calme magistral du chœur de Lazaro s’abattait et remontait. Là où Carla pria, Mattias pouvait être encore en vie.
    Les ravages sans contraintes étaient maîtres du terrain et Carla ne parvenait pas à y trouver le moindre sens, ni à distinguer à qui revenait l’avantage de la bataille. Elle suivit, comme les autres, Lazaro qui conduisait les estropiés vers l’escalier extérieur. Ils se mirent en file le long du rempart, à gauche et à droite, répandant l’illusion jusqu’au poste de France et aux postes d’Auvergne et d’Italie. Certains récupéraient des arquebuses, des balles et de la poudre. Ceux qui en avaient les moyens déclinèrent l’escalier pour se mêler à la bataille où elle les vit se faire massacrer. Ceux qui restaient occupèrent les créneaux avec leurs manteaux de guerre, laissant l’implacable soleil clignoter sur leurs casques. Ils attirèrent sur eux une salve de mousquets turcs, et même si beaucoup d’entre eux tombèrent, ceux qui tenaient encore debout ne défaillirent pas. S’ils pouvaient recevoir une balle destinée à un homme sur la ligne, ils mourraient justifiés.
    Carla laissa le jeune aveugle à sa place et redescendit l’escalier. Si elle avait voulu retourner à l’hôpital ou aller retrouver Amparo, personne ne l’aurait arrêtée. Mais le tumulte appelait et elle devait y prendre part. Elle ne voulait pas tuer ; pourtant, peut-être pour la première fois, elle avait une très vague idée de l’ensorcellement émis par la guerre. Elle aperçut un seau renversé près d’un tonneau d’eau et se mit à courir.
     
    LES NOTES MÉLANCOLIQUES sortant des trompettes musulmanes chevrotaient à travers les lueurs estompées de fumée, puis elles moururent. Le déclin vermillon du soleil projetait des ombres lugubres et étirées sur le Grand Terre-Plein. Les ombres étaient celles des derniers des Turcs battant en retraite, s’enfonçant à travers la poussière noire de sang traversée de mouches comme les survivants boitillants de quelque conclave de déments. Ils n’osaient pas se retourner pour regarder en arrière. De vastes amas gémissants de massacrés et d’abandonnés qui n’intéressaient plus personne reposaient, mouvants et vomissants comme d’innombrables bêtes abattues par une épidémie. Des femmes, engluées de sang de la tête aux pieds, s’enracinaient dans ce charnier sous le jour mourant, chuchotant des malédictions vengeresses et tranchant des gorges. Sur les remparts fracturés au-dessus d’elles, on ne trouvait plus aucun officiant, rien que quelques épouvantails humains encore trop effarés pour réaliser qu’ils étaient en vie.
    Un chapelain fit sonner la cloche de l’angélus. Elle résonna dans cette profanation comme le tocsin

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