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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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était évidente. Elle leva sa coupe pour qu’il puisse prendre la sienne. La froideur du cristal provoqua un autre de ses sourires de loup.
    « De la neige du mont Etna ? dit-il. Vous êtes bien approvisionnée. » Il leva sa coupe. « À votre santé. »
    Elle trempa ses lèvres en le regardant descendre le cordial d’un coup et poser sa coupe avec un soupir.
    « Une boisson exceptionnelle. Vous devez me laisser en acquérir la recette auprès de votre serviteur.
    – Il y ajouterait sans doute de la ciguë. »
    Tannhauser éclata de rire, un rire aisé et riche, et elle se rendit compte combien peu de rires d’hommes elle avait entendus dans sa vie, et quel appauvrissement c’était.
    « Il me considère comme son inférieur, pourtant il est obligé de me servir. C’est un fouet qu’il applique à son propre dos, mais j’espère que vous me pardonnerez d’avoir versé un peu de saumure sur ses plaies. »
    Carla lui remplit à nouveau sa coupe, désarmée par son franc-parler. Ce faisant, elle était consciente de ses yeux qui observaient la manière dont elle bougeait, et elle se demanda si elle se comportait avec la grâce adéquate. Lorsqu’elle reposa la carafe, elle heurta la coupe, qui bascula, et Carla sentit la panique l’envahir. Mais la main de Tannhauser fondit – il n’y avait pas d’autre mot – sur la coupe en train de tomber, et l’éleva vers ses lèvres sans qu’aucune goutte ne s’en soit échappée.
    « Vous êtes trop bonne, dit-il, et il but à nouveau. Et donc, ma dame, je vous repose la question : en quoi puis-je vous servir ? »
    Carla hésitait. Le regard si bleu et si franc lui volait sa langue.
    « Selon moi, dit-il, il y aurait beaucoup à dire sur votre bravoure pour arriver jusqu’ici. »
    Elle déglutit. « Je suis arrivée ici il y a environ six semaines. Je me suis aperçue depuis que toutes les portes se fermaient à moi. On m’a donné à croire que vous représentiez mon unique et ultime chance.
    – Je suis honoré, dit-il. Mais vous devez me dire quelle porte vous voudriez que je vous ouvre.
    – Je cherche à passer dans l’île de Malte. »
    Elle aurait pu en dire plus, mais le choc exprimé par l’immobilité soudaine de ses traits la réduisit au silence. Une fois de plus, il lui rappela un loup. Mais cette fois, un qui venait d’entendre les pas du chasseur.
    « Vous êtes consciente, dit-il, de l’imprudence, de la folie d’une telle entreprise.
    – J’en ai appris les multiples risques avec plus de détails que je ne pourrais en retenir en des années. Je suis devenue experte sur les cruautés du Turc et les perspectives effroyables qui attendent le peuple maltais. Malgré les nombreux rassemblements aux remparts pour mourir, l’on m’estime impropre à décider d’un tel sort par moi-même.
    – Ce ne sont certainement ni les remparts ni la mort que vous recherchez.
    – Non, je ne souhaite qu’accroître les difficultés de la Religion en les obligeant à me protéger, à gaspiller leurs vivres et leur eau, en me conduisant exactement telle qu’ils me voient : une femme prétentieuse et inutile, proche d’une simple d’esprit. »
    La colère rentrée qui s’échappait de sa voix la surprit elle-même. Tannhauser ne dit rien, et elle rougit. Elle se leva, joignit ses mains et se détourna de lui.
    « Pardonnez-moi, monsieur, mais comme vous le voyez, je suis au désespoir.
    – Ils évacuent les bouches inutiles depuis des semaines, par milliers, dit-il, et leur raisonnement ne peut être pris en défaut. Au siège de Saint-Quentin, les défenseurs les ont évacuées trop tard, en les poussant dehors à la pointe de l’épée, pour les voir périr de la manière la plus malheureuse.
    – Je ne contredirai pas votre affirmation. Je suis une bouche inutile.
    – Pourquoi voulez-vous vous rendre à Malte ? »
    Carla ne se retourna pas vers lui. « Je suis maltaise. » Elle n’avait jamais affirmé une telle identité ainsi auparavant, car sa famille était de sang sicilien. Mais l’instinct semblait vrai. Elle dit : « C’est chez moi.
    – On n’entre pas en courant dans une maison en flammes parce que c’est chez soi, dit-il. À moins qu’il n’y ait quelque chose de précieux à l’intérieur. Quelque chose pour quoi on mourrait.
    – Mon père vit dans l’île, à Mdina. » Aux yeux de son père, elle était morte depuis longtemps. Il aurait été tout aussi mort

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