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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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deuxième année de notre union. Pourtant, la lettre patente fut achetée au roi de France avant sa mort, et mon beau-fils, qui est plus âgé que moi, se comporte désormais comme le comte de La Penautier. Quant à moi, grâce aux conséquences heureuses de ce contrat, j’ai hérité de propriétés et de revenus suffisants pour assurer la fin de mes jours. Donc, vous voyez, monsieur, je suis le produit d’une classe bien trop civilisée pour s’en remettre à du sang de pigeon. »
    Son amertume n’échappa pas à Tannhauser. Il inclina la tête.
    « Je me considère comme châtié et vous supplie de me pardonner », dit-il.
    À cet instant, Carla ne se sentait pas disposée à exaucer son souhait.
    « Pour ma défense, dit-il, permettez-moi de vous dire que, jeune homme, je suis entré dans un monde dont les femmes étaient entièrement exclues. Une société d’hommes qui reconnaissaient à peine aux femmes le droit à l’existence. Un homme qui connaissait des femmes, les désirait, rêvait d’elles, pouvait les aimer, était un faible. Les janissaires étaient forts. Ce n’est qu’après avoir quitté leur foyer, abandonné toute croyance, brisé chaque vœu et m’être retrouvé à Venise que j’ai redécouvert la compagnie des femmes. À cause de ce hiatus, les femmes restent un grand mystère pour moi et, même aujourd’hui, je commets parfois une offense alors que je n’en ai pas la moindre intention. »
    Aucun homme ne lui avait jamais parlé avec une telle franchise. Son intention n’était visiblement pas de la captiver et pourtant il y parvenait. Pour la forme, elle lâcha : « Il n’y a pas d’offense, et mon pardon vous est accordé. » Mais elle percevait qu’il n’avait pas raconté tout cela juste pour s’excuser. « Pourquoi me dites-vous cela ? demanda-t-elle.
    – Je ne connaîtrai jamais les femmes de la même manière que les autres hommes. Et, de même, j’entends votre histoire comme aucun autre homme ne le peut. »
    Elle le fixait, complètement privée de réponse.
    « Vous n’avez jamais serré votre bébé dans vos bras, dit-il. Vous ne lui avez jamais donné la tétée. Vous n’avez jamais tenu sa main pour le guider à travers ses sottises et ses peurs. »
    Elle prit une soudaine inspiration, comme si on l’avait poignardée, et se détourna.
    « On a dénié au bébé les choses dont tout enfant a besoin, comme l’on vous a privé des choses dont toute mère a besoin. Vous n’aviez aucun pouvoir d’empêcher ce crime hideux, et pourtant la culpabilité ne se cache pas là où elle devrait – chez ceux qui ont commis le crime – mais en vous, toujours, comme une pierre tombale qui vous écrase le torse. Parfois vous vous éveillez en pleine nuit et vous ne parvenez pas à respirer. Vous voyez le visage du bébé dans vos rêves, et votre cœur se brise en morceaux. Ses cris résonnent dans un vide que rien sur cette terre ne peut combler. Et, avec le temps, la certitude de votre innocence s’est mise à cingler votre conscience, plus qu’aucun mal ne pourrait jamais le faire. »
    Elle se retourna pour le regarder. Il avait les yeux ardents mais sans malveillance.
    « Oui, j’entends votre histoire, dit-il. Je comprends. Et mieux que vous ne pouvez l’imaginer. »
    Carla sentit des larmes brûler sa gorge. Elle les ravala.
    « Comment pouvez-vous parler de ces choses d’une manière aussi poignante ?
    – Peu importe, dit-il. Permettez que je vous repose la question, car vous n’y avez pas répondu : pourquoi recherchez-vous ce garçon seulement maintenant ? »
    Elle rassembla ses esprits, maîtrisa son sentiment et s’éclaircit la gorge.
    « Il y a environ trois mois, le chevalier Adrien de la Rivière a fait halte chez moi en chemin vers Marseille où il espérait pouvoir s’embarquer pour Malte. Il connaissait mes origines et savait qu’il serait bien accueilli. Quand j’ai appris que l’île risquait de tomber aux mains des Turcs, j’ai su immédiatement qu’il fallait que je retrouve mon fils, à n’importe quel prix, et quelle que soit la brièveté du temps que Dieu impartirait à nos retrouvailles. »
    Rien chez Tannhauser ne pouvait faire penser qu’il trouvait cela irrationnel. D’un mouvement de tête, il lui fit signe de continuer.
    « Je me disais que c’était absurde. Mais la même nuit, j’ai eu une visitation. Je l’ai vue comme je vous vois, la Sainte Vierge tenant son

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