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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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corde, les spasmes du vieil homme cessèrent et il tourna, obscène et sans vie, au-dessus du Grand Terre-Plein.
    Le colonel Le Mas leva son épée et lança un cri vers les collines, d’une voix rugissante.
    « Pour le Christ et le Baptiste ! »
    Quand la voix de Le Mas faiblit, les chrétiens amassés sur les remparts reprirent son cri. Il roula vers la droite et vers la gauche, de l’un des bastions jusqu’au suivant, en un crescendo de fureur, et il se déversa à travers la crique des Galères et le long des murs de la forteresse Saint-Michel, et en chemin ce pacte se garnissait des sarcasmes et des obscénités de la soldatesque. Le cri de bataille trouva son écho de l’autre côté des eaux du Grand Port, sur les remparts du lointain Saint-Elme. Puis ce fut fini.
    Les cuivres turcs sonnèrent à nouveau et les couleuvrines des hauteurs ruèrent comme des dragons enchaînés, puis des flammes jaillirent de leurs gueules et la guerre à outrance 1 commença.
    Une volée de boulets de pierre décrivit un arc de cercle en direction du Borgo. Quand les missiles éclatèrent contre les murs de Castille, faisant trembler la maçonnerie sous leurs pieds, un régiment de janissaires Tüfekchi chargea du haut des collines, traversant la plaine. Tannhauser les regardait s’espacer en triples rangs de tir – la perfection de leur géométrie était stupéfiante –, leurs mousquets à long canon étincelant à l’instant où leurs gueules s’abaissaient pour tirer. Les mousquets lâchèrent une salve et les tireurs disparurent derrière un banc de fumée. Trop d’entre eux semblaient hors de portée, mais Tannhauser se méfiait. Il se baissa derrière un créneau et le sifflement des balles se perdit dans le lourd et violent fracas de celles qui touchèrent les armures des chevaliers. Le jeune page de La Valette avait été touché à la gorge et Tannhauser le vit tomber au pied de son maître. La Valette ne tressaillit pas le moins du monde et fit signe aux servants de l’emporter.
    Tannhauser se redressa et posa son fusil dans le créneau.
    Son armure et son casque étaient étouffants et il n’y avait pas d’ombre. Il essuya son front avec le foulard qu’il gardait dans sa manche. La fumée déroulée dans la plaine s’estompait et il vit le premier rang des janissaires recharger leurs armes. Sous leurs hauts bonnets blancs, leurs visages étaient flous. Il appuya la crosse dans son épaule et visa un homme au centre de la ligne. Il fit un bref calcul pour la hausse et pressa la gâchette. La roue chanta contre les pyrites et le fusil tonna. Il avait négligé de prendre de la cire pour ses oreilles. Il regarda à travers la fumée de son mousquet. Sa victime était étendue, immobile, dans la poussière. Un de ses camarades enjamba son cadavre pour prendre sa place. Et ce fut tout. Tannhauser, une fois de plus, était à la guerre. Il sentit une main claquer sur son épaule.
    « Du pain bénit ! dit Bors. Je dirais que tu peux revendiquer le premier mort !
    – Non, dit Tannhauser, ce prix revient au pendu. »
    Les arquebuses chrétiennes firent feu tout du long de l’enceinte, mais elles ne faisaient pas le poids face aux mousquets turcs de douze paumes. Dans la plaine, un voile de poussière rouge se leva quand chaque balle tomba, beaucoup trop court. Les prévôts crièrent à leurs hommes de cesser de tirer et, avant que la poussière ne retombe, une nouvelle vague de gazi traversa la fumée en hurlant pour lâcher une seconde salve. Des bastions d’Italie et de Castille, les canons de la Religion vomirent des flammes à travers la fumée qui s’épaississait, et les équipes d’artilleurs se jetèrent sur les bêtes qui reculaient pour les remettre en place et nettoyer leurs gueules. Les gros boulets de cuivre rebondissaient sur la terre battue comme si Satan lui-même les avait lancés et ouvraient des tunnels sanglants à travers les rangs des Ottomans. Des cris enthousiastes s’élevèrent des fortifications et le feu des mousquets chanta du haut des pierres. Un bataillon de chevaliers enragés investit la porte Provençale en hurlant pour qu’on l’ouvre afin d’apaiser leur soif de sang.
    Tannhauser se détourna de ce théâtre de déments et vit que Bors souriait.
    « Ce cuivre ressemble furieusement à nos munitions », dit Bors.
    Tannhauser posa la crosse de son fusil au sol et mesura une charge de poudre qu’il fit descendre dans le canon.

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