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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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La gloire ? Non. Pas encore. Pas à cette distance. Et il espérait ne jamais s’approcher davantage. Du moins la meilleure part de lui l’espérait-elle. Comme tuer des prêtres, tuer d’anciens camarades était un peu comme tuer n’importe qui. S’il ressentait quelque chose, ce n’était qu’une ombre de joie obscure et l’excitation de ce pouvoir qui était, jadis, le privilège jaloux de dieux particulièrement vicieux : priver un homme d’existence d’un simple coup de tonnerre. Au travers du goût de la fumée, les baisers d’Amparo et de Carla demeuraient encore sur ses lèvres. Quelle splendide paire elles formaient. Et quelle vie splendide était la sienne.
    Tannhauser décida d’être enjoué.
    Il se tourna vers Bors qui louchait sur la longueur du canon de son mousquet.
    « Est-ce que tu as apporté de la cire ? » demanda Tannhauser.
    Bors planta un doigt dans son oreille pour montrer qu’elle était bouchée.
    « Apporté quoi ? »
    1  . En français dans le texte.

LUNDI 21 MAI 1565
    Les hauteurs de Santa Margharita – Le Grand Terre-Plein
    SELON LA VOLONTÉ D’ALLAH, ils avaient combattu au corps à corps pendant six heures. Dans les rayons du soleil qui descendait, les belligérants épuisés projetaient des ombres étirées qui dansaient sur la plaine maculée de sang, comme si ce n’étaient pas seulement des hommes qui étaient en proie au délire, mais aussi leurs fantômes. Et pourtant ce n’était que l’ouverture d’un drame à peine en gestation.
    Abbas bin Murad, aga des Sari Bayrak, était assis sur son pur-sang arabe noir d’ébène, à la tête de sa brigade, et il ne pouvait que remarquer que, parmi les centaines de cadavres jetés comme du linge sale au travers du champ de bataille, la proportion d’infidèles atteignait moins de un pour dix. En soi, cela pouvait être acceptable. Il n’y avait pas de plus grande joie que de mourir pour Allah et au service du shah Soliman, refuge de tous les peuples du monde. Mais les espions qui avaient assuré à Mustapha que Malte pouvait être prise en deux semaines allaient y perdre leur vie. Abbas n’avait pas combattu les Francs depuis les guerres de Hongrie, des décennies auparavant. Sur la Drava, ils avaient massacré l’ensemble des Autrichiens de Ferdinand et envoyé les têtes de leurs commandants à Istanbul dans des jarres d’argile. Et quand, en 1538, Ferdinand avait été assez impudent pour reprendre possession de Buda, la campagne du sultan le long du Danube avait été une promenade. Mais ces chevaliers de Saint-Jean-Baptiste – ces enfants de Satan – étaient d’une ardeur bien différente.
    Les deux chevaliers faits prisonniers à Zeitun, le samedi, un Français et un Portugais, avaient été torturés pendant trente heures par les plus habiles interrogateurs de Mustapha, et aucun n’avait prononcé un traître mot, en dehors de prières à son dieu. Quand, finalement, ils avaient craqué, chaque chevalier – indépendamment et dans l’ignorance absolue de l’autre – avait juré que le point le plus faible de la défense chrétienne était le bastion de Castille. En fait, l’assaut de cette après-midi avait brutalement prouvé que Castille était le point le plus fort de toute l’enceinte.
    Abbas observa l’ancien esclave qui cuisait toujours au soleil sous le gibet au-dessus de la plaine comme l’homuncule d’une invocation démoniaque. Cette exécution était une insulte barbare, qu’Abbas avait d’abord prise pour une bravade. Mais quand les portes de la forteresse s’étaient ouvertes et qu’une masse de chevaliers s’était élancée dans un immense cliquetis, maniant l’épée et la masse à travers les janissaires, cette illusion s’était évanouie. Les chiens de l’enfer avaient attaqué avec une sauvagerie si rageuse qu’il semblait que les janissaires n’auraient pas d’autre choix que de battre en retraite. Ils ne l’avaient pas fait, malgré le coût, car les Tüfekchi seraient plutôt morts jusqu’au dernier. L’honneur avait été sauvé, au prix d’une contrepartie meurtrière. Les chevaliers étaient maintenant réduits à un carré d’acier autour de leur pont-levis. La longue journée s’achevait, et Abbas contemplait le marécage anarchique de poussière, de fumée et d’armes brandies, les éclairs des mousquets et des lames, les lamentations des estropiés et des éventrés. L’argile dure et cuite de cette plaine était

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