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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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il se soulage avec des bonnes. Le vrai danger, c’est la Scarron : elle s’est donné pour mission de le convertir. À trente-sept ans, Louis commence à penser à son salut. Elle a compris que la peur de l’enfer serait sa meilleure arme et manœuvre pour que le père La Chaise et Bossuet le conduisent au repentir. Elle va m’obliger à jouer les dévotes pour faire oublier que je vis dans le péché. Lorsque tout sera rentré dans l’ordre, je parlerai à Louis, promet Athénaïs en posant sa tête sur l’épaule de Blanche.
    Déçue de devoir patienter, Blanche se résout à s’adresser elle-même au roi.
     
    Les bois sont à la fête. Le fauve domine. Le long d’un petit sentier qui serpente vers la Seine, Blanche espère croiser le roi. Sous un pommier, il converse avec Françoise Scarron. Le couple ne tarde pas à rentrer au château. La gouvernante se réchauffe devant un feu. Athénaïs fait une patience. De sa voix fielleuse, la Scarron déclare :
    — Le roi vient de me gratifier de cent mille livres. Je vais pouvoir acquérir les terres et la seigneurie de Maintenon. Désormais, vous m’appellerez madame de Maintenon.
    La porte claque. Athénaïs prend le bras de Blanche, l’attire chez elle, grimace :
    — Vieille guenon parvenue ! Elle va voir qui je suis. Je vais profiter de son séjour avec mon fils en cure à Bagnères pour la congédier. Elle croupira sur ses terres, la veuve du contrefait.
     
    Un matin gris, épuisée par une nuit agitée, Blanche enfile une robe de velours bleu, jette un mantelet de fourrure sur ses épaules, attrape son manchon et sort prendre l’air. Le jour se lève sur la longue terrasse aménagée l’année dernière par Le Nôtre. Des lambeaux de brume montent de la Seine. Elle descend vers le fleuve, s’arrête près d’une fontaine. Une main se pose sur son bras ; elle se retourne. Guitare au dos, les épaules couvertes d’une cape noire, perruque nouée, regard doux, Louis prend un peu d’eau dans le creux de sa main :
    — Nous vous observons. Dites-nous ce qui vous chagrine.
    — Majesté, le mariage de monsieur de La Boissière avec mademoiselle de Bouillon ne me dit rien qui vaille. Elle n’est pas celle qu’il faut à ce gentilhomme.
    — Mademoiselle de Bouillon a du caractère et de l’esprit : elle descend de Godefroy de Bouillon. Elle saura tenir son homme ! Quant à vous, délicieuse créature, il nous plaît de gonfler votre rente qui se montera à l’avenir à mille cinq cents livres. Nous vous faisons également don de l’hôtel de feu Michel de Moronia. Il se trouve au bourg de Versailles, dans le terroir de Clagny. Vous y serez chez vous, non loin de madame de Montespan et de nous-même. Ne vous faites aucun souci pour Marquise ; nous la doterons ; nous la marierons. Dès qu’elle sera en âge d’être présentée, nous la recevrons à la Cour.
    — Majesté, vous nous comblez.
    — Nous n’aimons pas voir cette moue sur vos jolies lèvres, sourit le roi en posant sa guitare sur ses genoux.
    Il se met à jouer. Pour elle. Les expressions de son visage varient au fil des notes. Fût-il coureur, le roi est un homme de cœur. Mieux vaut miser sur lui, se dit Blanche qui se prend à rêver. Elle aménagerait son hôtel de Clagny, y recevrait Racine, La Fontaine, Boileau. Deviendrait la favorite. Louis ne pourrait plus se passer d’elle, les courtisans s’inclineraient à son passage ; elle aurait une vingtaine de femmes de chambre à son service, trente pièces à sa disposition. Le roi finirait par lui édifier un palais. Elle nommerait les uns, chasserait les autres. Et Marquise deviendra marquise.
    Louis chantonne une vieille comptine ; il baise la main de Blanche, libère sa poitrine, palpe ses seins ronds qui frémissent.
    La cloche interrompt ces fragments de jeu amoureux dans un parc.
    Il est l’heure de la messe. Du haut de sa chaire, le père La Chaise harangue ceux qui vivent dans le péché. À la communion, agenouillé entre la reine et Athénaïs, le roi semble absorbé par la prière. Blanche retourne à sa place, vingt rangs derrière eux et prie pour qu’Antoine se brouille avec Aglaé.
     
    Frigorifiée par les vents de novembre qui soufflent en rafales et s’infiltrent sous les fenêtres, elle empoche sa rente et rentre à Paris. Rue du faubourg Saint-Jacques, elle tombe en arrêt devant une maison de poupée. Marquise pousse des cris de joie :
    — Je vais inviter mon amie

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