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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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Marie-Blanche !
    — Qui est Marie-Blanche ? s’inquiète Blanche.
    — La petite-fille de la marquise de Sévigné, s’excuse Dahuh. Marquise l’a rencontrée chez Ninon quand madame de Grignan est montée à Paris.
    Blanche fonce chez Ninon, lui reproche son imprudence. La marraine ne se laisse pas intimider : un imprévu. Il a bien fallu dire la vérité. Blanche craint le pire.
     
    Prise d’une frénésie de dépenses, elle se fait faire des robes « à la Montespan », commande des tapisseries de Flandres, des porcelaines de Hollande pour sa nouvelle demeure de Clagny. Elle veut briller, ne plus rester dans l’ombre d’Athénaïs. Le jour de Noël, Ninon a invité Guillaume et Antoine. Blanche préférerait rester chez elle. Marquise tape du pied : elle veut revoir La Boissière. Comment lui dire non ?
    En robe carmin au décolleté plongeant, la main de Marquise dans la sienne, Blanche arrive rue des Tournelles chargée de cadeaux. Guillaume est déjà là. Bonhomme, mais pugnace au prétoire où ses plaidoiries font mouche, son frère a pris de l’embonpoint. Il serre Blanche dans ses bras, offre à Marquise une dînette en porcelaine. La petite fille saute au cou d’Antoine, droit dans ses bottes. Blanche ne laisse rien paraître de son trouble ; elle le baise sur les deux joues comme frère et sœur. On sert du vin de Champagne. Déguisée en princesse, Marquise joue avec son manège miniature. À table, en face d’Antoine, Blanche ne s’adresse qu’à son frère. Guillaume enquête sur l’affaire Brinvilliers aux côtés de Gabriel Nicolas de La Reynie, lieutenant général de police. Il vient de défendre un homme qui a tué vingt femmes, toutes rousses et grandes. Devant une brioche aux fruits confits, le regard d’Antoine croise celui de Blanche. Guillaume trinque au futur marié :
    — Dis donc, Antoine, tu aurais pu nous présenter ta fiancée, cachottier. On dit qu’elle est rousse et bien foutue !
    — Je te prie de ne pas parler ainsi d’Aglaé, se tend Antoine.
    Blanche plante un couteau dans le gâteau, se lève, des éclairs dans les yeux :
    — Si tu épouses cet oiseau de malheur, tu ne me reverras jamais.
    Elle attrape son manteau, claque la porte et disparaît dans le froid. Dans sa chambre, elle se jette sur son lit, la tête dans l’oreiller. Blase se hasarde. Elle le rabroue :
    — Laisse-moi. Je déteste Noël : l’absence de ceux qui ont disparu ne paraît jamais plus terrible.
    — Faites confiance au destin, ma petite dame. J’ai dû mendier jusqu’à ce que j’aie la chance d’entrer au service de mademoiselle Lenclos puis au vôtre.
    — Tu n’as jamais pensé à te marier ?
    — Pas jusqu’à ce que je rencontre Dahuh, rougit Blase.
    Blanche soupire, elle a promis à Dahuh de lui présenter un noble, vieux et impotent, comme La Motte.
    Blase parti, elle sort d’une console le Journal de sa mère. En 1649, elle avait mon âge, vingt-trois ans. Elle était mariée, mère de Guillaume. Était-elle heureuse ? Qu’aurait-elle fait à ma place ? Elle retrouve le passage qui suit le viol de Beaufort.
    J’ai passé des nuits à imaginer des moyens d’en finir avec Beaufort. Je n’en peux plus. Les hommes sont tout-puissants. Pour l’heure, il n’y a plus rien à espérer de Georges. Le mieux n’est-il pas de faire face dans les salons ? Surmonter ma honte, suivre mon chemin, mépriser mes ennemis : telle sera dorénavant ma ligne de conduite.
    Blanche attache ses cheveux, se parfume, se place devant son miroir : voilà ce que je dois faire ! Mépriser Aglaé. Oublier Antoine. Si je m’en donne la peine, Racine me confiera un rôle-titre. Je régnerai sur les planches, comme sur le cœur du roi. Après ma mort, on se souviendra de Blanche de La Motte. Actrice dans les pièces de Molière et de Racine, elle s’illustra dans les plus grands rôles. Après l’exil de Mme de Montespan, elle devint la favorite de Louis XIV. Il lui donna une fille, la marquise de Maison-Blanche, peintre à la Cour.
    Comme Émilie, Blanche a l’art de rebondir. Trop confiante, elle ne voit pas les chausse-trapes et autres coups fourrés qui la menacent.

26
    Ninon est pressée : son nouvel amant, le marquis de la Fare, vingt-cinq ans de moins qu’elle, l’attend à cinq heures. Peinée par l’esclandre de sa filleule, elle a décidé de lui parler. En velours vert sapin, elle sent la cannelle à plein nez. Robe étalée sur un siège du salon de

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