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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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décolletée, elle se poste devant une échoppe en grignotant une pomme. Au bout d’une demi-heure, elle se sent ridicule et décide de revenir sur ses pas. Un carrosse apparaît. À l’intérieur, la blonde Clermont-Tonnerre, en dentelles et rubans. Derrière elle, Charles sur T’en-fais-pas. Blanche attend que l’étalon passe près d’elle pour lui faire signe. Il soulève son chapeau, impassible. Vexée qu’il ne daigne pas descendre de sa monture, Blanche lui barre la route.
    — Blanche, encore toi ! Ne reste pas là. C’est risqué, s’énerve Charles.
    Le carrosse de Laure s’arrête à quelques pas. Blanche caresse le museau de T’en-fais-pas.
    — Quand te reverrai-je ? balbutie-t-elle.
    — Je ne peux pas, je ne veux plus. J’ai décidé d’être sage, avoue Charles qui, d’un coup de cravache, disparaît à l’angle de la rue.
    Blanche détale vers la Seine. En dépassant la sinistre tour de Nesles, elle fond en larmes, se signe :
    — Cette fichue messe n’a servi à rien. Tout est fini. Pardonnez-moi, mon Dieu. J’ai perdu mon âme, je me suis damnée pour un homme qui n’en vaut pas la peine. Non ! Tout n’est pas fichu. Charles, je sais que tu m’aimes encore. Bientôt, nous referons l’amour, tu seras tout à moi. Je serai ta maîtresse. Seule et unique.
    Flageolante, Blanche regagne le quartier du Temple. Dans le salon de l’hôtel de Sagone, les jambes sur la table, Antoine feuillette un livre sur les corsaires :
    — Quelle tête tu as, ma belle ! Ton fard a coulé, tu es toute peinturlurée. Tu as pleuré ?
    — Pas du tout, riposte Blanche en essuyant ses joues. J’avais un rendez-vous…
    — Un rendez-vous galant ? Dis-moi la vérité. Tu es allée voir Charles, c’est lui qui te met dans cet état ?
    Blanche tourne les talons, Antoine lui saisit le bras :
    — Pourquoi t’acharnes-tu ? Il se marie : tu ne vas tout de même pas lui courir après ! Je t’aime, Blanche, je veux que tu sois ma femme.
    — Ce n’est pas le moment. Je ne me marierai jamais, jamais, tu m’entends ?
    Elle s’échappe vers l’escalier, s’enferme dans sa chambre, ouvre le Journal d’Émilie et s’arrête sur le passage où sa mère évoque sa passion pour son beau-fils.
    Comment ai-je pu croire que ta main me disait ce que ta voix taisait ? J’étais aveugle et stupide. Notre honneur, nos liens nous interdisaient de nous aimer. À présent, je suis prête, je t’attends. Renonce à cette flamme et je serai tout à toi. Je ne puis me résoudre à te perdre à jamais. Souviens-toi seulement que je t’aime.
    Les mots de sa mère la revigorent. Elle se promet d’aller jusqu’au bout de sa passion, de renoncer aux sorcelleries. Avant la Toussaint, Athénaïs lui fait parvenir un billet la conviant chez elle le jour même, à six heures du soir. Blanche sait pourquoi : la troisième messe noire est prévue à cette date. Elle sera dite dans la chapelle peinte en noir du jardin de la Voisin. Cette fois, elle ne s’y rendra pas. Elle ne suivra pas non plus la marquise à Saint-Germain-en-Laye pour célébrer les morts. Molière est passé. Elle jouera dans L’Avare. Le rire et le théâtre seront les meilleurs remèdes à la mélancolie.
     
    Le 1 er  décembre 1668, Blanche se rend au théâtre en chaise. Les comédiens sont prostrés autour de Molière. La Thorillière se tourne vers elle, la mine grave :
    — Marquise Du Parc vient de mourir.
    — Tout le monde se demande comment, ajoute Armande en larmes. Elle était grosse. A-t-elle voulu faire passer l’enfant ?
    — On dit que Racine aurait fréquenté la Voisin, cette sorcière qui loge près de l’église Bonne-Nouvelle. Il aurait empoisonné Marquise par jalousie, se décompose Molière.
    — La Voisin est une criminelle, blêmit Catherine de Brie. Elle aurait tué des milliers de nouveau-nés.
    Blanche défaille. Tout se brouille. Madeleine Béjart lui tapote le front avec un linge humide. Lorsqu’elle ouvre les yeux, les comédiens l’entourent, affectueux.
    — Je suis désolée, je ne veux pas vous retarder, dit-elle d’une petite voix. Je crois qu’il vaut mieux que je rentre chez moi.
     
    Pendant huit jours, la peur que Jean-Baptiste et Ninon apprennent qu’elle a participé à des messes noires la cloue au lit. Sa marraine la veille, la dorlote. Elle lui annonce qu’Antoine est parti pour la Nouvelle-France, qu’il tentera de convaincre son père de revenir en France. Blanche

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